Nora Seed a 35 ans et elle s’enlise dans une lourde dépression. Sa vie semble dans l’impasse : pourtant douée dans de nombreux domaines, Nora se sent inutile et sans attache. « Elle était de l’antimatière, avec une dose d’apitoiement sur elle-même. » (p. 27) Un jour, c’en est trop : Nora choisit le suicide, mais au lieu de mourir, elle se retrouve dans un lieu inconnu où une bibliothécaire lui propose une expérience étrange. « Entre la vie et la mort […], il y a une bibliothèque. Une bibliothèque aux étagères sans fin. Où chaque livre offre une chance d’essayer une autre vie que tu aurais pu vivre. Une occasion de voir comment cela se serait passé si tu avais fait d’autres choix. » (p. 35) Nora ouvre différents livres et tente des existences différentes. Ce faisant, elle apprend à effacer les regrets et les doutes. Elle comprend aussi qu’elle doit se pardonner ce qu’elle considérait être de mauvais choix ou des renoncements. « La seule façon d’apprendre, c’est de vivre. » (p. 112)
Ce roman se lit sans déplaisir, mais – hélas – cette histoire est déjà vue, déjà lue, et il est vite lassant de passer d’une existence à une autre. « Peut-être que c’était ça, la vie. Peut-être que c’était avoir de la chance du premier coup, ou de devoir attendre la deuxième fois. » (p. 52) La mécanique narrative est éculée et le message très prévisible : il s’agit de vivre le meilleur de la seule vie qu’on peut avoir. « De nombreuses vies différentes t’attendent. » (p. 9) Nora aurait pu être star de rock, glaciologue, nageuse olympique, mère de famille ou baroudeuse en Australie. Mais elle n’a été aucune de ces femmes, donc pourquoi en parler ? Quand j’ouvre une fiction, je sais que je me retire du réel : pour autant, je n’ai pas envie que le texte me rappelle constamment que je l’ai fait, et La bibliothèque de minuit appuie bien trop lourdement sur les mécanismes tacites de la suspension consentie de l’incrédulité.
Enfin, je trouve très dangereux de prétendre que le suicide n’a pas de conséquences définitives et que les personnes qui s’y essaient, malheureusement parfois avec un triste succès, auront la chance de tout recommencer. Choisir de mourir, ce n’est pas anodin : ce n’est pas commander un plat que l’on n’aime pas trop au restaurant et se dire qu’on pourra toujours en commander un autre le lendemain. Choisir la mort, souvent, malheureusement, c’est définitif. Et en dépit de l’amour immense que je porte aux bibliothèques, aux livres et à leur pouvoir d’évasion, je n’apprécie pas que, même si ce n’est qu’une fiction, l’on prétende qu’il existe un endroit magique avec des ouvrages magiques qui peuvent vous sauver de la mort et de la dépression. Cette maladie, je la connais : ce n’est pas la magie qui la soigne. Et la mort, choisie ou subie, personne n’en guérit.