Phèdre

Pièce de théâtre de Marina Tsvétaeva.

J’ai récemment relu (et tout aussi peu apprécié) Phèdre de Jean Racine. Cela a donné lieu à de passionnants échanges avec mon groupe de lecture, et plusieurs d’entre nous se sont demandé à quoi ressemblerait cette histoire racontée par une femme. En cherchant un peu, voilà comment je suis tombée sur ce texte de l’autrice russe Marina Tsvétaeva.

Ici, le drame est simplifié, tout comme le nombre de protagonistes. Il y a Phèdre, évidemment, Hippolyte tout à sa passion pour la chasse et entièrement dévoué à la vierge et farouche Artémis, Thésée impérial et enfin la nourrice qui précipite tout le tragique. « Qui que ce soit, il n’y a pas de mal, ni de peur / Si ce n’est pas ton fils par le sang. » (p. 41 &42) Après avoir arraché l’aveu d’amour de la malheureuse Phèdre, la vieille femme veut être rétribuée des soins qu’elle a donnés en nouant une terrible liaison, imposant à la reine de vivre l’amour qu’elle refuse. Comme dans les classiques, la femme tourmentée ose ouvrir son cœur à l’inaccessible Hippolyte, mais, rejetée et souffrant déjà tant de l’exil loin de Crète, elle se pend pour en finir avec ses tourments. La miséricorde finale de Thésée est plus humaine que chez Racine, et l’autrice jette un nouvel éclairage sur ce mythe millénaire. « L’écume d’Hippolyte et la sueur de Phèdre / Ne sont pas des menées de vieilles femmes, mais / Une affaire ancienne, une querelle connue, antique. / Pas de coupable. Tous innocents. » (p. 79)

En peu de pages, Marina Tsvétaeva modernise la figure de Phèdre et me la rend presque sympathique. Cela tient surtout au fait que l’autrice, au travers de l’héroïne tragique, parle d’elle et de son propre exil d’URSS. Les dieux ne président plus aux destinées des hommes et des femmes : ce sont désormais d’autres hommes qui malmènent les êtres.

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