Tragédie de Jean Racine d’après le drame d’Euripide.
Lors d’une discussion animée au sein de mon groupe de lecture lillois, il est apparu que mes camarades et moi avions des opinions très différentes sur le personnage de Phèdre. Le prochain sujet de nos échanges était donc tout trouvé !
Phèdre est l’épouse de Thésée et la belle-mère d’Hippolyte. Elle nourrit pour son beau-fils un amour interdit, mais non partagé puisque le noble jeune homme est épris d’Aricie, la fille du royaume vaincu par Thésée. Pour cacher son attirance, Phèdre se montre cruelle envers Hippolyte. Mais quand une rumeur annonce la mort de Thésée, la reine se croit libre d’aimer enfin. Hélas, les dieux sont cruels : Thésée rentre chez lui, et l’aveu de Phèdre n’est plus anodin. Pour défendre l’honneur de sa maîtresse, jusqu’où ira la vieille Oenone ?
« Elle est engagée, par sa destinée et par la colère des dieux, dans une passion illégitime, dont elle a horreur la première. » (p. 22) Ainsi parle l’auteur dans sa préface. Phèdre ne serait donc pas coupable, son libre arbitre étant supplanté par la prédestination ? Sa vertu n’est donc point perdue puisque la flamme qui la brûle n’est pas attisée par elle-même ? « Grâce au ciel, mes mains ne sont point criminelles / Plût aux dieux que mon cœur fût innocent comme elles ! » (p. 42) Mouais… Phèdre est le personnage de Jean Racine qui m’agace le plus. Elle accuse d’abord Aphrodite de l’avoir fait succomber, puis sa pauvre servante de l’avoir mal défendue. Ce n’est jamais sa faute, voyez-vous ! Elle n’a que les mots « honneur » et « outrage » aux lèvres, mais elle se laisse surtout porter par les événements. Même la jalousie ne l’aiguillonne pas suffisamment pour la rendre actrice de son destin. « Hippolyte est sensible, et ne sent rien pour moi ! / Aricie a son cœur ! Aricie a sa foi ! » (p. 102) Phèdre a plus d’épaisseur chez les auteurs antiques puisqu’elle accuse Hippolyte du pire des affronts qu’un fils puisse perpétrer envers son père.
Et que dire que la niaise et tiède romance entre Hippolyte et Aricie ? Il est certain que cela contrebalance la passion dévorante de Phèdre, mais quel ennui ! J’avais gardé le souvenir adolescent d’une tragédie molle : mon avis ne change pas vraiment. De Racine, je préfère d’autres personnages, comme Bérénice ou Mithridate.