Et ces êtres sans pénis !

Roman de Chahdortt Djavann.

L’autrice raconte comment, pensant tomber dans une grave dépression après le succès de son roman Les putes voilées n’iront jamais au paradis, elle a finalement retrouvé son souffle grâce à un diagnostic trop longtemps attendu. « Pourquoi la reconnaissance littéraire me rendait-elle si malheureuse et physiquement malade ? » (p. 9) Ça, c’était la partie médicale, enfin sous contrôle après des années de souffrance. Mais le cœur, métaphorique et profond, souffre également et aucun diagnostic et traitement n’y fera rien. Chahdortt Djavann suit chaque jour les nouvelles d’Iran, terre qu’elle a fuie et dont le manque résonne dans tout son corps. « Les souffrances que j’ai endurées dans le pays de mon enfance me lient à jamais à ce pays qui n’est plus ma maison. » (p. 20) Les vidéos d’arrestation arbitraire et les images de femmes qui arrachent leur voile pour hurler à la liberté, tout cela la renvoie sans cesse à son corps sans pénis. Ni française ni iranienne, définie par l’absence du membre viril, l’autrice interroge son identité et ses racines. « L’exil, c’est troquer sa langue maternelle contre une langue qui vous refuse la quintessence de sa poésie. » (p. 43)

Puis elle laisse la fiction reprendre le dessus et elle explore les situations où la femme iranienne n’a pas le droit d’être, puisque sans pénis. « Mon imagination tente de me venger en imposant à la vue des ayatollahs des scènes qu’ils ne sauraient souffrir. Des scènes se moquant fortement de leur morale intégriste qui honnit le corps des femmes et les plaisirs de la chair. » (p. 41) Ainsi, une femme non mariée, une enfant qui joue dans l’eau ou encore une Iranienne qui ôte son voile pour se libérer de la culpabilité de ne pas avoir de pénis, toutes sont menacées. Et si une femme meurt, eh bien, ce n’est pas grave, hein, il n’y a pas mort d’homme ! Ainsi, un époux peut tuer sa femme accidentellement de 5 balles dans le corps, ce n’est pas bien grave, on trouvera une solution. Et puis, elle l’avait très certainement cherché. « Pourquoi vous n’avez pas divorcé au lieu de… je veux dire au lieu d’attendre qu’un accident arrive ? » (p. 124)

Dans le dernier chapitre, toujours par la force de sa seule imagination, Chahdortt Djavann imagine rentrer en Iran pour se venger des ayatollahs, sauver les enfants des rues et enfin renverser l’état islamique. La fantasmagorie est belle et puissante et, si personne n’est dupe, elle donne l’espoir d’un futur libéré. J’ai découvert l’autrice avec Les putes voilées n’iront jamais au paradis et j’en garde un souvenir marqué. Évidemment solidaire des femmes iraniennes, de tous les mouvements de libération féministes et du libre choix de chacune de porter ou retirer le voile, je ne peux que vous recommander l’œuvre de Chahdortt Djavann.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.