Un jour d’avril 1917, à Sheffield, onze ouvrières de la compagnie Doyle et Walker Munitions ont commencé à taper dans une balle. Et elles n’ont plus arrêté. « Cela devint une obsession. La moindre raison était bonne pour taper dans le ballon. » (p. 51) Après leur première partie miraculeuse – elles jouaient sans le savoir avec une bombe –, elles ont fait leur ce sport pourtant masculin. Mais justement, les hommes ne sont pas là, ils sont au front. Ces femmes en bleu de travail deviennent rapidement la coqueluche des stades. On les fait jouer contre les hommes qui restent : blessés, adolescents, retraités, etc. Il n’est pas possible qu’elles gagnent tous leurs matchs, n’est-ce pas ? Et pourtant… « Si onze ouvrières se mettent à jouer au football en tapant dans une bombe une demi-heure durant, peut-on imaginer que cela donnera lieu à une histoire normale ? » (p. 87) Onze caractères très différents et onze femmes qui ont toutes une bonne raison de jouer au football, n’en déplaise aux autorités religieuses et politiques du pays. L’intello, la lucide, la syndicaliste marxiste, la discrète, la brutale, celle qui refuse qu’on lui apprenne à jouer et toutes les autres forment le Ladies Football Club, et ce n’est pas la fin de la guerre qui leur retirera ce qu’elles ont gagné du bout de leurs pieds. « À ses yeux, le football prenait de plus en plus l’allure d’une vengeance féministe. » (p. 43)
Le football et l’Angleterre, c’est une histoire d’amour bien connue. Pour moi, cela concernait surtout les hommes, et pas toujours de belle manière. Aussi suis-je ravie d’avoir découvert l’existence de ces clubs féminins. Mais je ne suis pas étonnée, tout en étant très agacée, de voir que ces formations sportives ont été interdites par les autorités. L’émancipation féminine, même et surtout au travers du sport, ça ne plaisait pas en 1917 et ça ne plaît pas encore partout de nos jours. Ce petit roman aux phrases courtes et aux fréquents retours à la ligne prend évidemment place parmi mes lectures féministes. La forme du texte m’a d’abord décontenancée, mais j’ai rapidement été prise par sa dynamique : chaque morceau de phrase est un déplacement sur le terrain. Tout est mouvement, tout est jeu. Balle au centre, le match commence.