Récit de Paoline Ekambi, coécrit avec Liliane Trevisan.
Sous-titre : Comment une championne a survécu à l’inceste
Un père incestueux. Une mère indifférente. À quatorze ans, Paoline est violée et personne ne la défend dans son foyer. Après une prime enfance plutôt heureuse avec ses frères, bien que pauvre et secouée de sévères corrections physiques, l’adolescente n’est plus en sécurité chez elle. Son échappatoire, c’est le basket. Paoline est grande et douée : sur le terrain, elle se démarque, au point d’intégrer l’INSEP et d’avoir des espoirs nationaux. « Je ne le sais pas encore, mais mon corps, ce corps tout déglingué et meurtri, va devenir le plus bel outil de mon salut… » (p. 78) Cinq jours par semaine, l’internat est un refuge, un lieu où la vie ne fait pas peur, où il ne faut pas craindre les portes qui claquent et les pas dans le couloir. Mais les week-ends sont un retour terrible dans une famille muette, passivement complice. La grande incompréhension de Paoline, c’est surtout sa mère : comment est-il possible de rester indifférent à la souffrance de son enfant, de sa seule fille ? « J’avais un besoin vital d’obtenir ses explications, ses réponses. Il fallait qu’elle assume. Devant moi. » (p. 21) Alors, de la souffrance et de la colère, l’adolescente fait son carburant : la majorité approche et, avec elle, la libération. Chaque match joué sur le terrain et chaque entraînement forgent son destin de championne.
Ce récit à quatre mains est très bien écrit, vibrant d’émotion, de sincérité et de courage. Je déplore un nombre assez conséquent de fautes typographiques et grammaticales, mais c’est la déformation professionnelle qui parle. Ce texte est indispensable, nécessaire. D’autres livres avant celui de Paoline Ekambi ont ouvert la voie du #MeTooInceste : aucun récit ne sera jamais superflu pour lutter contre les violences intrafamiliales. « La parole doit libérer l’indicible, il faut écouter et comprendre pour pouvoir dénoncer, puis guérir et rendre justice. » (p. 229) Les témoignages des proches de la sportive éclairent la façon dont l’omerta se construit et doit être renversée : la vie privée ne mérite plus ce titre quand des enfants sont en danger, et quiconque a connaissance d’actes violents ou tout type d’agression doit agir.
Je vous laisse avec quelques extraits de ce remarquable témoignage.
« Contre les déchirures de l’enfance, mon endurance de sportive m’a été si précieuse pour tenir le choc. » (p. 26)
« Pourquoi un agresseur est-il présumé innocent ? Et pourquoi dit-on d’une victime qu’elle est ‘victime présumée’ ? Cela n’insinue-t-il pas insidieusement qu’elle ment, qu’elle ne l’est pas vraiment ? » (p. 27)
« Je n’avais pas le choix, je devais réussir dans le sport pour échapper à tout le mal que me faisaient mes parents. » (p. 110)
« Je vais écraser mes parents par ma rage, les rendre si petits, si minables. Ça sera ça, ma rage sur le terrain… » (p. 161)
Livre lu dans le cadre du prix Sport Scriptum 2024.
Je me le note. Tu as tout à fait raison à la fin de ton billet, il y a encore trop de silence par rapport à ça.
♥