Roman de Carole Fives.
Charlène a 62 ans. Elle est seule, esseulée. « Je ressens vachement la solitude affective… » (p. 16) Heureusement, elle a le téléphone : à tout moment, elle appelle sa fille et elle parle, elle parle, elle parle. D’elle, avant tout : chaque sujet ne parle que d’elle, de près ou de loin, surtout de près. « C’est sûr que je souffre et en même temps, j’ai l’impression que je vis l’aventure de ma vie. » (p. 19) Égoïste, impatiente, en demande, culpabilisatrice, dépendante, dépressive, irascible, odieuse, bipolaire, cruelle… Les adjectifs se suivent et se ressemblent plus ou moins décrire cette femme qui ressasse les mêmes sujets, accumule les reproches injustifiés et qui, d’un appel à l’autre, enchaîne les contradictions et les attitudes paradoxales, passant des déclarations d’amour maternel les plus ferventes aux piques les plus agressives. « Ton frère me dit que je deviens maniaco-dépressive à tendance casse-couilles. » (p. 39) Mérite-t-elle sa solitude ? Peut-être, finalement…
Le bandeau et la quatrième de couverture évoquent un humour noir et mordant : je n’ai souri à aucun moment tant le personnage est abominable, sinistre et désolant. Charlène est une femme et une mère toxique, manipulatrice et profondément méchante. « Et le fond d’écran ? Tu sais comment ça se change ? Non, parce que c’est ta tête que j’avais mise en fond d’écran, mais là, j’en ai marre, je voudrais bien voir autre chose. » (p. 62) J’ai détesté cette femme autocentrée de la première à la dernière ligne. Mais c’est tout le talent de Carole Fives que de donner vie à cet être de papier dont on jurerait qu’elle le connaît dans la vraie vie…