Une mère célibataire. Un petit garçon de 2 ans. Des nuits trop courtes et des journées sans fin. « Elle croit l’avoir entendu gémir dans la chambre, elle s’immobilise sur le tapis d’éveil. Ne te réveille pas. Pas déjà. » (p. 14) La fatigue et les fins de mois difficiles s’accumulent, et la jeune mère perd pied. Sa seule respiration, ce sont les sorties clandestines qu’elle fait la nuit, quand l’enfant dort. Quelques instants volés à la tyrannie maternelle. Quelques minutes de pure liberté dans la ville, le long fleuve. Avec le fantasmant enivrant de ne jamais rentrer, peut-être. « Avant d’avoir un enfant, on ne sait absolument pas ce qui nous attend. Est-ce un crime de constater qu’on n’y arrive pas ? » (p. 53)
Face à une société bien-pensante et impitoyable, la mère célibataire n’a pas le droit à la plainte ni à l’erreur. Être solo, c’est un peu l’avoir voulu, non ? Alors le grand désarroi des femmes réduites à l’état de nourricières à tout faire, tout le monde s’en moque un peu. Parce qu’après tout, être mère, c’est le plus bel état du monde pour une femme, non ? Quoi de plus beau que de tout sacrifier pour le monstre vagissant qui dépend entièrement de vous ? Mais non, la maternité, ce n’est pas ce champ de fleurs perpétuellement odorantes, ce n’est pas un long chemin de bonheur et d’épanouissement. C’est un parcours du combattant, une lutte de chaque instant.
Carole Fives dépeint en peu de mots le désespoir aphone des mères célibataires, celles à qui on souhaite du courage en leur demandant surtout de ne pas se plaindre. Chaque phrase sonne juste et frappe fort. C’est bouleversant, au plus profond du cœur et des tripes.