Les âmes grises

Roman de Philippe Claudel.

En 1917, dans un petit village de l’est de la France, l’hiver se glace encore plus quand Belle de Jour est retrouvée assassinée. « Ce n’est guère gros un corps de dix ans, qui plus est mouillé par une eau d’hiver. » (p. 19) Ce crime odieux envers l’innocence et la beauté secoue les esprits engourdis par le froid et la guerre et génère d’autres malheurs. « Le chagrin tue. Très vite. Le sentiment de la faute aussi, chez ceux qui ont un bout de morale. » (p. 155) Le narrateur dont on découvre progressivement la douleur intime raconte l’Affaire, des décennies après. Cette remémoration est le prétexte pour retracer les jours passés et les existences intriquées d’une poignée de notables et de pauvres gens dans une province anonyme, au début du siècle.

Ce lent récit tient autant de l’enquête que du témoignage et de la confession. Il détaille les inimitiés entre les villageois, les bassesses humaines en temps de conflit et les égoïsmes inévitables de ceux et celles qui sont marqué·es par le malheur. « Le crime chez nous est plus nombreux qu’ailleurs. C’est peut-être parce que les hivers sont longs et qu’on s’y ennuie et que les étés sont si chauds qu’ils mettent le sang en fusion dans les veines. » (p. 43)

J’ai découvert ce roman en 2008 et j’en gardais un souvenir très vague. Philippe Claudel étant un de mes auteurs chouchous, il fallait que je relise ce texte. Bien m’en a pris : j’y retrouve l’écrivain que j’aime, sa délicatesse et son talent pour parler de toutes les formes de deuil. « Il est reparti dans ses regrets, et m’a laissé dans les miens. Je savais, comme lui sans doute, qu’on peut vivre dans les regrets comme dans un pays. » (p. 204) Décidément, cette période de relecture m’est très favorable !

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