La maison biscornue

Roman de Gwen Guilyn.

« Elles ne donnent plus que vers le dedans, les fenêtres. » (p. 9 & 10) Voilà qui est déjà inquiétant, mais en plus la porte a disparu ! Le Pahr, la Marhgrand, l’Ongre et les Filles ne peuvent plus quitter la maison, non pas qu’iels le pourraient s’iels le voulaient, mais là, l’isolement semble définitif. Comment fera le Fils pour revenir ? Par où entrera la femme qui doit devenir la Mahr ? Dans une temporalité floue qui pourrait être une journée, une semaine ou une éternité, la famille piégée ne sait comment apaiser la maison ogresse et agressive. Le Pahr sait qu’il n’est pas à la hauteur de sa fonction, la Mahrgrand s’agace que personne ne tienne son rôle, l’Ongre connaît sans les dire les secrets de la maison et les Filles savent que l’une d’elles est de trop, car il ne peut y avoir qu’un représentant de chaque membre de la famille. Les générations se suivent et s’écrasent, reproduites à l’identique : l’enfant remplace le parent qui remplace les aïeux, et ces derniers sont avalés par la maison.

La langue abâtardie par l’isolement s’est en fait purifiée et raffinée jusqu’à l’essentiel. Les sentiments deviennent des verbes, les sensations sont palpables et tout concourt à dire la vérité brute de la demeure. Ce huis clos gothique joue avec les mots pour mieux révéler les évidences et les horreurs. Dans cette maison qui se réarrange à sa guise, au gré des départs et des arrivées, ou par simple caprice pour punir ou malmener ses habitant·es, rien n’est jamais ce qu’il semble être. La seule chose à faire, c’est d’écouter les voix. « La maison a ses raisons […]. Rien de bon vient de questionner. » (p. 90) Personnage à part entière, entité suprême aux desseins impénétrables, la maison transforme les êtres pour les plier à sa volonté. Et personne n’échappe à son destin.

Ce roman tout à fait génial publié par les éditions du Panseur m’a rappelé Le Panseur de mots, autre publication de cette maison (biscornue ?) : là, c’était les mots qui se tordaient à des volontés supérieures. La métamorphose et la polymorphie sont des thèmes très puissants qui m’intriguent toujours. Le roman de Gwen Guilyn m’a évidemment rappelé La maison des feuilles de Mark Z. Danielewski, à croire que le Home Sweet Home n’existe pas…

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.