Un long chemin

Roman d’Herbjorg Wassmo.

Un enfant de cinq ans est entraîné par ses parents dans une marche épuisante. La famille doit fuir l’armée allemande qui a découvert les activités clandestines du père. « L’enfant sait […] que papa fait partie de l’image de la guerre. Que peut-être même il en fait terriblement partie, plus que lui et maman. » (p. 43) La survie est de l’autre côté de la frontière, en Suède. Au cœur de l’implacable hiver norvégien, trois corps fragiles mettent toutes leurs forces dans cet espoir, rejoindre le pays neutre. Suppliciés par la faim, les engelures et la peur, les fugitifs trouvent refuge dans un chalet : commence alors l’interminable attente du sauvetage. Et ensuite, il faut encore survivre aux blessures du froid et aux inquiétudes qui obscurcissent l’avenir. « Il ne sert à rien de pleurer sur sa propre situation. Tout aurait pu être bien pire – s’il n’avait pas existé des failles dans l’horreur de la guerre. » (p. 150)

L’autrice s’est fondé le témoignage de trois survivants pour composer un roman où la description fait la part belle aux mouvements de l’esprit et de l’âme. Les paroles sont rares, mais le texte est éminemment polyphonique. On entend les innombrables questions muettes de l’enfant, les craintes et les remords de la mère, l’obstination pudique du père. « Il comprend qu’il y a beaucoup de choses qu’il ignorera tant que personne ne lui répondra. » (p. 31) Cette petite famille chemine longtemps, bien après l’harassante traversée de la frontière : chaque pas posé devant le précédent est la preuve que la vie continue, tout comme le sont les mailles acharnées d’un tricot bleu ciel. Herbjorg Wassmo m’a saisie avec cette triple introspection, cette voix prêtée aux survivants. En imaginant ce qui n’est pas dit, elle ne parle pas à la place des concerné·es, elle rend hommage aux millions d’héros anonymes oubliés par les guerres. « La loyauté féminine n’a jamais un critère qui confère la Médaille militaire. » (p. 213)

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2 réponses à Un long chemin

  1. Lydia dit :

    Oh, je me le note !

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