Roman de Connie Willis.
En 2057, les voyages temporels sont chose courante. Sous la direction du professeur Dunworthy, une équipe d’historiens effectuent des sauts dans le passé à des fins documentaires. Pour l’historien Ned Henry, ces voyages sont loin d’être une science exacte. Il effectue de nombreux et infructueux voyages en 1940 pour réunir des informations sur la cathédrale de Coventry, détruite par un raid de la Luftwaffe. Il doit en particulier retrouver la potiche de l’évêque, hideux ornement liturgique. L’accumulation de voyages entraîne un déphasage temporel important. Ned, épuisé et confus, est sommé de prendre du repos en 1887. Cette incursion dans l’ère victorienne est loin d’être une sinécure. Ned, aidé par Vérité Kindle, une autre voyageuse temporelle, doit rétablir le continuum espace-temps en provoquant la rencontre d’une jeune fille avec son futur époux et en empêchant un chat de se noyer. « Un simple animal pourrait-il affecter le cours de l’histoire ? » (p. 171) Il semblerait que oui, et les deux historiens ont fort à faire pour enrayer la destruction de l’univers.
Je rencontre toujours des difficultés infinies pour comprendre les romans dans lesquels le continuum espace-temps est un personnage à part entière. Tout n’est qu’hypothèse, conditionnel et supposition. Qui parle de voyage temporel met forcément les pieds dans le plat de la physique quantique et de ses innombrables champs de possibilités. Loin, bien loin, d’être physicienne ou habile en gymnastique temporelle, je me suis accrochée comme j’ai pu aux pages de cet ouvrage néanmoins loufoque et amusant.
Une partie de canotage sur la Tamise permet aux personnages de rencontrer Jerome K. Jerome lors du voyage qui a nourri son texte Trois hommes dans un bateau (sans parler du chien). Le sens du titre du roman de Connie Willis est ainsi patent, et le lecteur comprend quelles sont les sources et les influences de l’auteure. L’Hercule Poirot d’Agatha Christie, l’Alice de Lewis Carroll, le Sherlock Holmes d’Arthur Conan Doyle et Lady Godiva sont autant de références qui donnent au texte des résonances comiques et littéraires.
L’époque victorienne est largement décrite pour être moquée. L’engouement macabre et irréfléchi pour les spectres et les séances de spiritisme, les kermesses paroissiales pétries de charité mal ordonnée et les relations entre maîtres et domestiques sont autant de sujets qui prêtent à sourire. Les personnages venus du futur ont en outre beaucoup à faire pour respecter l’étiquette et éviter les anachronismes, ce qui donne des situations comico-tragiques du meilleur effet.
Comme l’indique le titre, les animaux sont au cœur du récit. On rencontre le bouledogue Cyril, la chatte Princesse Arjumand, des ryunkins nacrés, des cygnes belliqueux et des pigeons revanchards. Il y a aussi le chien Darwin qui descend/tombe des arbres de la même façon que son homonyme humain a prétendu que l’homme est descendu du singe… Et à en croire les manuels scolaires, il est évident que la gente animale est essentielle au bon déroulement de la grande Histoire, les oies du Capitole se posant en exemple irréfutable.
Connie Willis offre une uchronie drôle et tortueuse. Les amateurs du genre devraient y trouver leur compte. À ceux qui, comme moi, se perdent facilement dans les méandres de l’Histoire revisitée, je souhaite bonne chance.