Recueil de contes de Bernard Quirigny.
Sanguine : Deux hommes descendus dans le même hôtel se retrouvent un soir autour d’une histoire peu commune, où une femme se dissimule derrière une carapace peu commune. « Un peu de sang dans du jus d’oranges pressées, oui, chaque dimanche depuis 15 ans. » (p. 21)
L’épiscopat d’Argentine : Une femme de ménage dans le palais épiscopal d’Argentine s’étonne des allées et venues et des habitudes nocturnes de l’évêque. « Nous avons tous de petits fardeaux à supporter, et celui de l’évêque de San Julian était un corps en trop avec lequel il lui fallait composer. » (p. 43)
Qui habet aures… : Édouard Renouvier entend toutes les conversations où il est question de lui et s’emploie à corriger ses erreurs. Mais comment combler une lacune qu’on ne peut pas identifier ?
Quelques écrivains, tous morts : Florilège d’auteurs inconnus et morts. « J’ai découvert grâce à Pierre Gould un grand nombre d’écrivains méconnus, littérateurs de l’ombre ignorés par les faiseurs d’anthologie. » (p. 57)
Quiproquopolis (Comment parlent les Yapous) : « Le yapou n’est pas une langue de poètes, c’est une langue de boute-en-train. […] Le quiproquo et le malentendu sont, avec la guerre tribale et l’anthropophagie, les quatre piliers de la société yapou. » (p. 70)
Marées noires : Les membres de la SCMN, Société des Connaisseurs de Marées Noires, se ruent sur les plages souillées par les catastrophes pétrolières. « Après avoir recouvert quelques kilomètres de côte, le pétrole s’oxyde au contact de l’air et se disperse dans la mer. Parfois, des écologistes et bien-pensants le récupèrent à la pelle et détruisent sans vergogne ces couches gluantes d’un noir parfait qui nous ravissent, nous autres gens de goût. » (p. 85)
Mélanges amoureux : Édouard Renouvier (encore lui) jongle entre une épouse et trois maîtresses. Dans la chambre d’hôtel qu’il loue à l’année, les miroirs dévoilent ses secrets. En réalité, les miroirs se souviennent toujours de ceux qui se sont reflétés en eux.
Chroniques musicales d’Europe et d’ailleurs : Gaudi et son gaudiophone, Yoshi Murakami et son projet fou de faire vibrer la tour Eiffel, Eduardo Morrant et ses compositions impossibles à jouer, une mélodie audible sur une mince portion de terre en Colombie Britannique, un « traité de musicologie odoriférante » (p. 123), un pianiste qui a oublié comment jouer, tout cela donne à la musique un caractère improbable voire impossible.
Souvenirs d’un tueur à gages : Qu’il s’agisse d’exécuter un homme d’affaires qui s’ennuie, d’abattre un homme à la place d’un autre, de détruire le diable, d’aider un peintre à effectuer son ultime autoportrait, de choisir entre les explosifs ou le poison, la vie d’un tueur à gages n’est pas banale.
Le carnet : Un « écrivain en devenir » (p. 149) qui manque cruellement d’imagination rêve de dérober le carnet de notes d’un écrivain prolifique. Mais si ce carnet ne tenait pas toutes ses promesses?
Extraordinaire Pierre Gould : La vie de Pierre Gould est loufoque, pleine de rêves et de projets. » Trois projets signés Pierre Gould: un annuaire permanent des donneurs de leçons rédigé en équipe et actualisé chaque mois, qui recenserait tous les pédants, cuistres et pontifiants sévissants dans les journaux et sur les ondes; un guide des écrivains surestimés, stigmatisant quelques littérateurs morts ou vivants, à la mesure de leur réputation; une anthologie des jurisprudences gondolantes qui rassembleraient les cas les plus curieux dont ont eu à connaître les juridictions judiciaires et administratives, au cours du dernier siècle. » (p. 165-166)
L’oiseau rare : Jacques Armand est un artiste réputé pour ses œufs peints, œufs d’oiseaux ou de poissons. Dans sa production, un œuf reste mystérieux : on ne sait pas quelle espèce l’a pondu.
Une beuverie pour toujours : Dans les pays de l’Est, il existe un breuvage, le zveck, réclamé à cor et à cris par les ivrognes. « Le zveck, c’est une beuverie pour toujours. » (p. 197)
Conte carnivore : « La puissance destructive du monde végétal a toujours été pour Latourelle l’objet d’un vif intérêt. » (p. 207) Le botaniste est passionné par la Dionaea Muscipula, la plus dangereuse des plantes carnivores. « Leurs mâchoires sont comme des mécanismes d’acier, prêts à broyer tout ce qui passe à leur portée. » (p. 214-215)
Ce recueil est délicieux et se dévore à toute allure ! La boulimie littéraire, ça existe! Les textes sont très bien écrits, fulgurants et grinçants. À lire Bernard Quirigny, on se dit que l’homme est son propre chasseur et sa propre proie.