Quand il était jeune, le narrateur passait ses étés dans un camp à La Londe-les-Maures, dans une pinède proche de la mer. Sous le soleil et la chaleur, il s’est créé des souvenirs qu’il évoque pour lui et pour maintenir le lien avec son grand-père, cher aïeul malade qui s’éloigne inexorablement. « Des récits de mon grand-père, c’est cette image du peuple en vacances qui m’émeut, l’image d’une vie d’été avec ses stéréotypes à laquelle je demeure fidèle. » (p. 22) Les Maures, c’était la caravane des grands-parents et les bains de mer interminables. Ce sont les premières amours émues et balbutiantes. « Les filles s’écartent du sentier pour gagner les fougères hautes. Elles nous prennent la main, je suis un garçon qui marche derrière une fille, le sang et le cœur retourné. (p. 34) Les Maures, c’était Marie, Louise, Léna, Suzanne, Isabelle, Gilles, Tom, Thomas. « Cet été, Louise découvre la plage, les garçons, la frénésie, son corps. Avec elle, je découvre le mien. » (p. 50)
En se souvenant, le narrateur cherche à prolonger l’histoire et peut-être aussi la fragile existence de son grand-père. C’est vain et c’est sublime. « Les images d’une adolescence au soleil continuent de modeler mon désir et mon imaginaire. Je me construis dans les souffles chauds, les idylles, l’horizon bleu, le sel marin. » (p. 71) Il y a là quelque chose de l’image d’Épinal, du cliché, comme ces quelques photos de 1972 qui ont figé la jeunesse du grand-père dans un espace éternellement jeune et vigoureux. « Sans la présence de mes souvenirs et la voix de mon grand-père verrais-je autre chose qu’une étendue sèche de sable et des caravanes désolées. » (p. 81) Évidemment, le narrateur projette le filtre de son bonheur passé sur le paysage aride des Maures. Les lieux ne sont beaux que parce qu’ils ont été habités et qu’ils sont devenus le décor involontaire d’expériences fondatrices.
À coup de paragraphes courts qui ont des airs de photos de vacances et qui sont des instantanés d’émotion, Sébastien Berlendis déploie son style élégant et évocateur. Je n’ai pas passé mes vacances à La Londe-les-Maures, mais j’ai dans mes souvenirs un camping et une plage qui se sont imposés devant mes yeux pendant ma lecture. Là aussi, il y avait mes grands-parents, eux qui offraient plus que des vacances et qui permettaient des choses que les parents ne savaient pas et ce que l’année scolaire n’offrait pas. C’était la liberté et le bonheur, sans la conscience de leur fragilité. Elle, elle est venue plus tard, quand il a été moins facile d’être libre et heureux.