Monsieur Linh a fui un pays en guerre où son fils et sa belle-fille ont trouvé la mort sous les bombardements. Il arrive en France avec une petite valise et une enfant, Sang Diû, sa petite-fille, rescapée des bombes. Le bébé est l’objet de toutes ses attentions et de toutes ses forces. Seul, dans un pays inconnu, Monsieur Linh rencontre un homme aimable et sans préjugé qui se lie au vieil homme exilé et perdu.
Très difficile de décrire l’émotion qui m’a submergée à la lecture de cette œuvre si touchante. J’ai dévoré le texte d’une seule traite, avidement. L’auteur décrit simplement la complexité et la force des sentiments qui animent son personnage, un vieil homme enfermé dans ses chimères et ses souvenirs. La chute, plus que tout, est surprenante, désarmante. Tout fait sens à la lecture des dernières lignes, et on aurait envie de reprendre le livre à la première page pour replonger dans la magie, armé de la dernière clé. Je le conseille, sans aucun doute. Le texte est court et se lit vite. Et il a imprimé sa marque durablement dans ma mémoire de lectrice! Philippe Claudel a encore une fois su me transporter!
J’ai effectué un rapprochement entre les personnages de ses différents livres. Belle de jour, dans Les âmes grises, est assassinée. Dans le même livre, le narrateur perd sa femme, qui meurt en accouchant un enfant mort-né. Sang Diû est un bébé qui n’en est pas vraiment un. Et Poupchette, dans Le Rapport de Brodeck, est une enfant non désirée, née d’une femme violée. Il me semble que les enfants sont presque toujours victimes dans les textes de Philippe Claudel. Il y a une construction du personnage de l’enfant qui se retrouve à chaque fois: un petit être à part, lumineux et beau, que l’on écrase. Cela suscite une émotion intense, et renforce la distance avec les personnages adultes qui deviennent tous coupables, d’une manière ou d’une autre. Poignant à chaque fois.