Nounou

Roman de Michel Jeury.

Céline arrive de son Morvan natal pour se placer comme nourrice à Paris. Elle doit pour cela laisser son propre fils Augustin aux soins d’une nourrice d’institution. Au Grand bureau des nourrices, on lui trouve une place dans la famille Langlais, riche et connue du Tout-Paris. Céline s’attache rapidement à Victor, le nourrisson qu’on lui a confié. La vie dans la capitale révèle la beauté et la finesse de la jeune provinciale. Très vite, elle séduit le fils de la famille et le précepteur des enfants Langlais. Mais Céline reste fidèle à son époux, un homme qui dépense le salaire de sa femme en boisson et qui se désintéresse de leur enfant. Céline, pure et fraîche comme aux premiers jours, découvre une vie bourgeoise faite de manigances, de fourberies et de dédain. Elle se prend aussi à rêver d’une autre vie.

Voilà un très joli récit, entre province et capitale. Le personnage de Céline est charmant et élégamment présenté. Elle m’a rappelé Denise Baudu du Bonheur des Dames. Ingénue, mais forte d’un bon sens campagnard, elle affronte aisément les pièges de la vie parisienne. Un peu Cendrillon des temps modernes, avec un prince tout aussi moderne, Céline incarne la réussite modeste des petites gens dont l’ambition n’est pas dévorante.

La condition des nourrices est bien écrite et, il me semble, abondamment documentée. L’examen médical que subit Céline est digne de la foire aux bestiaux. Céline, comme tant d’autres pauvres provinciaux, est contrainte de quitter son village pour se « vendre » à Paris. Les Auvergnats portent le charbon, les Alsaciens sont ramoneurs, etc. Chaque province envoie dans la grande et brillante capitale une belle partie de ses forces vives et de ses talents. Tous ces déracinés sont perdus dans un Paris qui a besoin d’eux, qui les tolère, mais qui les méprise. Le rapport Paris/province est exclusivement fondé sur l’argent.

Dans le Paris de 1888, à la veille de l’Exposition Universelle, le lecteur rencontre Gustave Eiffel et son extraordinaire construction métallique. Les Langlais, riches entrepreneurs, côtoient les artistes et les intellectuels de l’époque. Alphonse Daudet fait partie des familiers. Le Tout-Paris est dépeint avec ironie: il y a ceux qui y évoluent avec aisance, ceux qui voudraient faire de même, ceux qui rêvent d’y entrer et les autres.

Le texte oscille entre roman historique et fresque sociale. L’écriture est fine et entraînante. Le roman se lit vite et laisse un agréable souvenir.

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