Roman d’Émile Zola. Lecture commune avec Liliba et Mélusine.
« Où aller et que devenir, à travers ce pays affamé par le chômage ? » (p. 20 – Tome 1) Voilà la question qui taraude Tienne Lantier, machineur qui a quitté les chemins de fer de Lille après avoir giflé son patron. Sur les routes du Nord, froides et rases, il cherche à s’employer. À Montsou, il découvre le Voreux, gigantesque fosse minière qui fait vivre les mineurs du coron des Deux-Cent-Quarante. Les lieux sont terrifiants pour Étienne qui n’a jamais connu le travail sous-terrain. Mais Étienne refuse de s’abandonner à la misère. Embauché dans la fosse, il passe sous l’aile bonhomme de Maheu, père de sept enfants dont Catherine, herscheuse malingre mais généreuse. Étienne apprend vite le métier mais il ne peut apprendre la soumission ancestrale du mineur. Dans son sang, la révolte bouillonne toujours. « Était-il possible qu’on se tuât à une si dure besogne, dans ces ténèbres mortelles, et qu’on y gagnât même pas les quelques sous du pain quotidien ? » (p. 72 – Tome 1) Devant de telles injustices lui prend l’idée d’ouvrir une section de l’Internationale à Montsou, d’en devenir le secrétaire et d’assurer à tous les mineurs des grèves soutenues par la caisse de prévoyance. Quand la compagnie minière impose une nouvelle réduction des salaires, la grève éclate. Le coron meurt de faim plusieurs mois, les ouvriers vont de fosse en fosse pour appeler à la grève générale. La violence remplace le calme initial. Partout, on cherche des traîtres, partout on veut donner l’exemple. Tout échappe à Étienne: ses idéaux révolutionnaires ne pèsent pas lourds face à la colère et à la faim du peuple;
Dans ce texte, on retrouve Étienne, le fils de Gervaise Macquart et d’Auguste Lantier. Toute une hérédité malade s’incarne en lui. « Il avait une haine de l’eau-de-vie, la haine du dernier enfant d’une race d’ivrognes, qui souffrait dans sa chair de toute cette ascendance trempée et détraquée d’alcool, au point que la moindre goutte en était devenue pour lui un poison. » (p. 63 – Tome 1) Fils d’une famille brutale, il garde en lui un fonds de violence irrépressible. Il l’exprime en lançant la grève au nom des idéaux socialistes et communistes qu’il a fait siens. Quand la grève est brisée, que les victimes se comptent par dizaines, Étienne reprend la route pour Paris, laissant derrière lui des ouvriers vaincus rendus à leur labeur affamant.
L’édition présente des gravures aux allures d’épouvante où la misère héréditaire et la pauvreté éclatent dans des scènes figées. Ces illustrations rehaussent le dynamisme du texte. Chaque phrase est mouvement, élan. La lente maturation de la révolte ouvrière qui mène à la grève est décrite comme un processus de vie. « Mais à présent, le mineur s’éveillait au fond, germait dans la terre ainsi qu’une vraie graine; et l’on verrait un matin qu’il pousserait au beau milieu des champs: oui, il pousserait des hommes, une armée d’hommes qui rétabliraient la justice. […] Ah! ça poussait, ça poussait petit à petit, une rude moisson d’hommes qui mûrissait au soleil ! » (p. 223 – Tome 1) Les descriptions ne sont pas figées, tout n’est que drame au sens premier du terme, tout est action, expression du vivant. La description de la fosse est un portrait de monstre vivant plein de bestialité. « Le Voreux, au fond de son trou, avec son tassement de bête méchante, s’écrasait davantage, respirait d’une haleine plus grosse et longue, l’air gêné par sa digestion pénible de chair humaine. » (p. 20 – Tome 1) Il n’y a que la mort de la fosse qui fige le texte, qui rend à la description ses attributs de tableau fixe. « C’était fini, la bête mauvaise, accroupie dans ce creux, gorgée de chair humaine, ne soufflait plus de son haleine grosse et longue. » (p. 279 – Tome 2)
Émile Zola, sur fond de crise industrielle, dresse le portrait d’hommes attachés à la terre avec la même férocité que les paysans qui la travaillent. Ici aussi, il est question d’arracher au sol ses ressources pour tenter de vivre. Comme dans les autres romans de son cycle, l’auteur reprend les mêmes thèmes: l’atavisme, la misère, le vice, etc. L’auteur reste décidément un de mes chouchous même si ce roman n’est pas celui que j’ai préféré. J’ai trouvé L’assommoir plus grandiose. Mais Germinal se lit vite (700 pages en 2 jours !) et il est impossible de ne pas se laisser emporter par l’action. Mais il y a trop de misère dans ces pages. Le clou est bien enfoncé – merci Zola – inutile de suivre sur un cours sur le paupérisme au 19° siècle ! Il ne me reste qu’à continuer la lecture de la série…