Roman autobiographique de Zelda Fitzgerald.
Alabama est la dernière fille du strict juge Austin Beggs et de son épouse Millie. Choyée et couvée à outrance, elle grandit dans un monde où chaque caprice lui est accordé. « Glaneuse d’enthousiasmes vagabonds, elle s’appropriait tout ce qui tombait à portée de sa main. » (p. 27) Très jeune, elle vit l’amour par procuration en regardant ses aînées, Joan et Dixie, entrer dans le tourbillon des soupirants et des bals. Dans la moiteur, la touffeur et « l’apathie mélancolique du Sud » (p. 36), Alabama devient une Belle du Sud, jeune fille qui fait tourner les têtes des officiers américains qui vont et viennent lors du premier conflit mondial. « La guerre amenait dans la ville des tas d’hommes qui, sauterelles bienveillantes, s’attaquaient au fléau des filles sans mari qui avait frappé le Sud depuis son déclin économique. […] Les filles tourbillonnaient de l’un à l’autre avec l’impulsion interne d’un cocon que l’on dévide. » (p. 71) Alabama collectionne les insignes des officiers et flirte éhontément avec plusieurs hommes en même temps. L’officier David Knight parvient à ravir son cœur. David a des ambitions d’artiste et acquiert assez vite une renommée dans le monde de la peinture. Les époux Knight connaissent le succès mondain et l’arrivée de la petite Bonnie marque l’apothéose de ce couple amoureux idéal. L’argent leur brûle les doigts, file à toute allure en divertissements et accessoires. Le couple s’échappe en Europe et les failles apparaissent. Alabama flirte avec un aviateur français et David se ronge de jalousie, alors qu’il a bien du mal à créer. « David était plus âgé qu’Alabama; il ne s’était jamais plus senti vraiment heureux depuis son premier succès. » (p. 197) Malheureuse et délaissée, Zelda se lance à corps perdu dans la danse, elle veut devenir étoile de ballet. Elle s’acharne et plie son cors à une volonté plus grande que la douleur. Le couple dérive, sombre. Ni Alabama ni David n’ont la force de le sauver.
Alabama/Zelda est une Scarlett O’Hara moderne. J’avais beaucoup aimé le texte de Gilles Leroy, Alabama Song et j’avais fondu en étudiant The Great Gatsby de John Scott Fitzgerald, qui romance également la rencontre entre une belle jeune fille riche et un officier issu d’un milieu modeste. Le texte produit par Mrs Fitzgerald avait tout pour me plaire mais c’était sans compter le style de l’auteure. La langue de Zelda est sinueuse, pâteuse et plonge le lecteur dans un état d’abrutissement dangereux. Il m’a été très difficile de me concentrer dès la seconde partie du texte. Avec les premières jalousies et les premières rancœurs, le texte devient épais et collant. Assister au théâtre de ce couple qui surjoue l’amour et tous les sentiments est pénible. La vie emphatique que mène les époux Knight/Fitzgerald se traduit par un style ampoulé très indigeste.
Alabama est une jeune femme inconséquente, profondément malheureuse alors qu’elle sait tout avoir. Le spectacle de la déchéance de son mariage et de la perte de ses illusions est douloureux. Le texte s’achève sur une fin de réception, entre les coupes vides et renversées et les chaises déplacées, comme la fin d’un grand tourbillon et le retour à la solitude qui suit une douce pagaille. Le livre se lit assez vite mais il ne m’a pas charmé.
Il faudra que je tente Tendre est la nuit, écrit par Mr. Fitzgerald pour avoir un autre point de vue sur la vie de ce couple unique.
Pour finir, l’illustration plus nette de la première de couverture. Zelda a bien mérité son titre de Miss Alabama en 1920 !