Les beaux jours du Dr Nicolas

Roman de Michel Jeury.

En 1886, Nicolas Martin, officier de santé, rentre des colonies pour prendre la succession du Dr Joumard à Dun, dans le Limousin. Après des années épicées et torrides sous les tropiques, il désire se fixer, prendre femme et développer une clientèle. Mais les gens du pays tardent à lui accorder leur confiance: le Dr Nicolas utilise des remèdes venus de loin et qui n’attirent la sympathie ni des malades ni des notables. Logé chez la veuve Joumard, il cohabite avec les deux filles à marier de la maison, Élise et Claudine, vieilles filles aux charmes encore vivaces, mais « l’aînée est dévariée et la cadette froide comme une patate gelée. » (p. 71) Alors que le Dr Nicolas commence à prendre pied dans l’univers limousin, le chevalier de Tournac, notable de la région et patient du docteur, est assassiné. Les soupçons se portent sur Manon, la trop jeune et trop jolie épouse du châtelain, sur Eusèbe, le serviteur idiot et sur Oscar, ouvrier boulanger au fort tempérament. Au hasard de ses tournées et des soins qu’il dispense, le Dr Nicolas fait parler ses patients et tente de débrouiller cette affaire, parfois au péril de sa vie.

Le bon Dr Nicolas m’a prodigieusement agacée ! Amateur de femmes, sans-le-sous, béât nostalgique des colonies et de ses délices, il manque, à mon sens, de la poigne nécessaire qui fait les hommes de trempe. S’il hasarde quelques critiques quant à la politique coloniale de la France, critiques qui me paraissent bien anachroniques dans cette époque de gloire nationale, il n’en reste pas moins acquis aux idéaux républicains. Ses réflexions sont celles de l’auteur et sont bien maladroitement intégrées dans le récit : « Les ‘peuples inférieurs’ que nous avons entrepris de soumettre sont bien plus intelligents et civilisés que nous. À défaut de leur foutre la paix, ce serait trop demander, on pourrait essayer de les imiter. » (p. 57) Loin d’être un révolté, le Dr Nicolas est un doux rêveur légèrement pleutre et largement niais.

Le Dr Nicolas souffre d’une certaine faiblesse vis-à-vis de la gent féminine. Disons carrément qu’il est gaga devant les femmes. S’il maîtrise plutôt bien ses pulsions, il est incapable de se prémunir contre les manipulations féminines. Pantin imbu de sa personne, il n’a rien du voyageur au charme exotique qu’il voudrait incarner. Et il se laisse encore davantage abuser par ceux qu’il considère comme ses amis ou ses alliés. À ses heures perdues, il invente la psychanalyse et se pique de soigner Élise en l’écoutant relater ses rêves et ses terreurs. J’ai des difficultés à déterminer si l’auteur aimait son personnage: le Dr Nicolas est un fat, un lâche et un ridicule petit monsieur.

Il n’est qu’officier de santé, pas docteur en médecine. Ce n’est en soi pas une tare, mais il prend trop à cœur cette différence de qualification, tant et si bien qu’il en fait des complexes ! Voilà qui manque d’allure pour un personnage de premier plan ! Le Dr Nicolas est le narrateur de sa propre histoire. Ainsi, le lecteur a accès à ses pensées. Et, moi, je m’en serais très bien passée ! Entrer dans l’intimité de Nicolas ne fait qu’ajouter des points sur la liste de ses défauts : il est indécis, un brin chatouilleux, fortement lubrique, le tout sous des airs de bonne contenance. Et même quand il fait des efforts, il reste pathétique et médiocre. Ah, vous l’aurez compris, il m’énerve !

L’enquête sur le meurtre du chevalier est confuse. Que le Dr Nicolas mène une partie des investigations embrouille encore davantage le tout. Il est évident que ce meurtre n’est pas l’élément principal du récit, mais il est bien mal exploité et il devient parasitaire. L’auteur aurait dû se concentrer sur les chassés-croisés amoureux du docteur et laisser les trames policière à d’autres écrivains. Ce roman à la croisée des chemins est un fameux imbroglio littérair e! Roman du terroir, roman policier, romance, essai clinique, et quoi d’autre encore !

Sans être totalement déplaisant, ce roman pèche par de nombreux aspects : son démarrage est lent voire poussif, l’abus de topoi sur la campagne française et l’usage du patois limousin alourdissent le propos, les personnages sont mal aboutis voire incohérents et improbables, etc. Après ma déconfiture à la lecture de May le monde, je pensais retrouver Michel Jeury dans un domaine littéraire qui me correspond davantage, comme avec Nounou. Pari perdu. Cette fois, c’est sûr, j’arrête les frais avec cet auteur !

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