Biographie de Jérôme Soligny. À lire avec les albums de l’artiste à portée d’oreille.
Avant d’être le talentueux et fabuleusement beau David Bowie, David Robert Jones est né à Londres en 1947, un mercredi. Profondément attaché à son demi-frère, Terry, il découvre grâce à lui des artistes qui le marqueront. Très tôt, David sait qu’il veut faire de la musique mais à aucun prix il ne sacrifiera son originalité. Il a faim d’expériences et de découvertes. À ses débuts, il va de groupes en groupes. Peu à peu, il se fait un nom. David Bowie attire les foules mais pas toujours pour sa musique : « On commence à parler de Bowie comme d’un phénomène qui décontenance et qui dérange. Si le public se presse à ses concerts, c’est plus par peur de manquer un évènement que parce qu’il apprécie sa musique. » (p. 44) Artiste prolifique et travailleur acharné, David Bowie s’investit dans sa musique, la vit passionnément. C’est ainsi qu’il endosse les costumes des personnages qui animent ses albums : Major Tom, Ziggy Stardust et ses Spiders from Mars, Aladdin Sane, Halloween Jack et ses Diamond Dogs et Thin White Duke sont autant de masques qu’il porte jusqu’au bout d’expériences musicales intenses. Si les costumes et les maquillages sont extravagants, derrière ces masques, il ne cache pas, il donne le meilleur de lui-même. Artiste caméléon et protéiforme, David Bowie se nourrit de ses personnages pour se construire et s’imposer en génie musical et artistique.
Autour de David Bowie gravite une foule d’artistes et de collaborateurs : producteurs, agents, avocats, chacun veut sa part du gâteau Bowie. Mais l’artiste est intransigeant et intelligent. Ses attachements les plus puissants vont aux artistes qui, comme lui, font l’expérience d’un nouvel art, souvent musical : Andy Warhol, Lou Reed, Mick Jagger, John Lennon et Iggy Pop sont autant des mentors que des partenaires. David Bowie est incapable de se fermer des portes et il aurait eu tort de le faire : il s’essaie aux planches et au cinéma avec succès, il fait des incursions remarquées dans le monde de la peinture. De toutes ses expériences, il nourrit sa musique, doué d’un don visionnaire qui lui fait explorer des territoires encore vierges.« Il est un sculpteur de vérité. Avec l’aplomb de ceux qui avancent avec dignité, jeune comme seuls certains vieux peuvent l’être, il continue de démontrer que l’anticipation reste la principale composante de son art rock génialement maîtrisé. » (p. 191) Pop ou glam rock, les appellations ne manquent pas pour qualifier l’art de David Bowie. Ce qui est certain, c’est qu’il a forgé une nouvelle musique en déconstruisant des genres, en déplaçant leurs limites et en balayant leurs codes pour mieux les réécrire.
Avec intelligence et discrétion, Jérôme Soligny insère dans la biographie des témoignages d’amis, d’artistes ou de collaborateurs ou encore des extraits de presse. Mais le plus percutant, c’est quand il laisse la parole à David Bowie : plutôt que de surinterpréter un acte ou un instant, il transcrit les mots de l’artiste et tout est dit. Le biographe sait ici transmettre toute la passion qu’il a pour l’œuvre de l’artiste. Mais son texte n’est pas la compilation d’un fan halluciné qui cherche le détail le plus sordide de la vie de son idole. Jérôme Soligny fait découvrir David Bowie au travers de ses albums et de ses chansons. La vie de Bowie traitée comme une discographie animée, c’est original et ça évite le voyeurisme toujours écœurant des biographies prétendument exhaustives. C’est à peine si Jérôme Soligny évoque les épouses (Angie et Iman) ou l’addiction à la cocaïne. Personne ne les ignore et sa biographie n’est pas le lieu pour en discuter encore. Parlons musique, voilà tout, et c’est que fait le biographe, pour mon plus grand plaisir.