Roman graphique de Maureen Wingrove.
Georgie est une vieille dame élégante. Du fond d’un auguste fauteuil, elle s’adresse à Renaud, son amour juvénile. Cette première histoire d’amour, bien que brisée, n’a rien perdu de sa puissance au fil des années. Plus vivace qu’un simple souvenir, ce sentiment absolu a nourri toute une vie. « Tu aimais me serrer contre toi, fort contre ton cœur. Tu m’enlaçais pour mieux me contenir… » Ce premier amour était de ceux qui forgent un cœur. Couple trop superbe pour durer et s’accommoder de la routine, Georgie et Renaud ont joué jusqu’au bout leur partie d’amour. « Parce que ça avait toujours été à celui qui serait le plus fort, à celui qui n’aurait pas mal. À celui qui dominerait l’autre. »
Maureen Wingrove, que la Toile connaît mieux sous le nom de Diglee, s’est inspirée de l’histoire d’amour de sa grand-tante Georgie Soichot pour créer un album souvenir délicat et émouvant. En noir et blanc, presque en négatif, l’image célèbre un passé capturé sur pellicule. Revisité au hasard d’une discussion entre deux générations, le passé ressurgit et déploie toute la force d’une histoire d’amour aux accents un peu mythiques.
La jeune auteure exprime avec humilité et délicatesse ce que lui a offert cette plongée dans les souvenirs d’une autre. Et l’on comprend parfaitement ce qu’elle dit. C’est comme ouvrir les vieux albums photos de nos parents. « J’aime les histoires des autres. Surtout celles qui appartiennent au passé, et qui résonnent aujourd’hui aux oreilles de ceux qui les ont vécues, avec la même force, la même chaleur qu’il y a cinquante ans. Qu’y a-t-il donc à prendre dans ces vieilles histoires ? Je ne sais pas. Des réponses peut-être. De l’espoir. Quelque chose de fragile, mais de terriblement réconfortant. Je ne sais pas précisément ce que je cherche en fouillant le passé. Mais je sais que ce que j’y trouve n’a pas d’égal. »
Ce très court album imprimé sur un très beau papier est un régal pour les yeux et les cœurs exigeants. L’amour n’est pas que petites fleurs et voiles de dentelle. Il se niche aussi là où le cœur pleure. « L’amour le plus fort ne réside pas exclusivement dans la tendresse et la compréhension. Il va parfois se loger bien plus loin, dans la violence et la perte de soi… Dans l’absence. » Qu’on se le dise.