Roman graphique de Bastien Vivès. Couleurs de Romain Trystran.
Francesca et Bruno sont amis depuis le lycée, peut-être avant. Si Bruno est un peu casanier, un peu gauche, Francesca explose de beauté et de sensualité. Un foulard d’or dans les cheveux et un regard de biche, elle est belle, elle le sait, mais elle accumule un peu trop les conquêtes. Sans cesse à s’appeler, à s’écrire, à se voir, ils ont besoin l’un de l’autre. « Nous revoilà tous les deux célibataires. Demain, on se fait les boutiques. / Si tu veux, mais je sais pas sur ça arrangera grand-chose… / Allez, tu vas voir… On va redevenir inarrêtables. » (p. 35)
Mais l’amitié de Francesca et Bruno suscite les interrogations et les moqueries. Beaucoup ne comprennent pas et voudraient pas assimiler leur relation à du désir non assumé. « C’est qui ce mec ? C’est ton frère ? […] C’est ton ex ? » (p. 60) Peut-être les autres ont-ils raison. Peut-être que les deux amis se sont manqués, qu’ils n’ont pas su transformer l’amitié en amour. Leur relation prend trop de place dans les couples qu’ils tentent de former. Alors ? Alors rien, il ne faut pas chercher à comprendre. Cette histoire, c’est la leur et si elle est si originale, c’est surtout qu’elle est unique.
Après Polina, je découvre cette œuvre de Bastien Vivès avec une nouvelle et profonde émotion. Les ellipses et les non-dits illustrent la pudeur et l’intimité. Les souvenirs sont dessinés en silhouettes et en estompes, il n’y a que des taches de couleur et il faut éloigner la page pour voir le dessin. Ce sont de vieilles images toujours présentes, mais qui perdent peu à peu de leur consistance.
L’album se referme sur de très belles planches érotiques et tendres. Vous avez dit ambiguïté ? Ce serait trop réducteur. C’est une amitié étroite parce qu’elle laisse peu de place pour autre chose, elle laisse même peu de place à l’amitié elle-même, mais elle lie étroitement deux êtres qui savent ne pas pouvoir se passer l’un de l’autre, même s’ils ne savent pas quelle forme donner à leur attachement.
Un coup de cœur pour cet album, assurément, et un trop plein d’émotions à la fin de la lecture.