Roman de Maryse Condé. Sous-titre : Noire de Salem.
Tituba est le fruit d’un vol commis sur un bateau négrier qui faisait voile vers La Barbade. Née de la souffrance, elle grandit dans la souffrance en perdant sa mère très tôt. Et la vieille esclave qui la recueille ne la rassure pas quant à son avenir : « Tu souffriras toute ta vie. Beaucoup. Beaucoup. Mais tu survivras ! » (p. 21) Man Yaya lui apprend les plantes, les forces de la nature et toute une connaissance mystérieuse. Nantie d’un tel pouvoir et accompagnée de ses invisibles, Tituba veut faire le bien et soigner les hommes. Mais ce que l’on attend d’elle, c’est une force qui se déploie dans la haine. « On semblait me craindre. Pourquoi ? Fille d’une pendue, recluse au bord d’une mare, n’aurait-on pas dû plutôt me plaindre ? » (p. 27) Tituba est une sorcière et, pour les hommes, c’est toujours le signe d’un pouvoir malfaisant.
Son destin est scellé quand elle rencontre le beau John Indien, un nègre qui accepte sa condition. « Le devoir de l’esclave, c’est de survivre. » (p. 41) Mais Tituba est fière et elle est prête à défendre sa vie contre ceux qui la menacent. Elle est rachetée par Samuel Parris, le nouveau pasteur de Salem. Il est donc l’heure pour elle de quitter sa chère Barbade et de découvrir le froid et le puritanisme de l’Amérique. « Imaginez une étroite communauté d’hommes et de femmes écrasés par la présence du Malin parmi eux et cherchant à le traquer dans toutes ses manifestations. » (p. 104) Très vite, du fait de sa couleur de peau, on accuse Tituba d’être liée au Diable et d’avoir ensorcelé des enfants. Son nom s’inscrit alors dans la triste histoire des sorcières de Salem.
Au terme du procès, les archives perdent la trace de Tituba. « Je cherche mon histoire dans celle des Sorcières de Salem et ne la trouve pas. » (p. 230) Maryse Condé lui invente une fin en la renvoyant à la Barbade au milieu des révoltes des esclaves. L’auteure fait parler Tituba pour qu’elle se rende justice. Ces mémoires imaginaires, c’est le récit d’un combat perdu contre l’ignorance et la peur de l’inconnu. J’avais lu ce roman à l’université dans le cadre d’un cours sur la francophonie et la créolité. J’en avais gardé un souvenir vague, mais enchanté : cette relecture est donc un plaisir.