Le narrateur présente une famille. Et le lecteur est chacun des membres de cette maison. Il y a l’enfant avide des histoires qu’on lui raconte le soir. Il y a l’adolescent qui peine sur un livre aux pages trop nombreuses. « Un livre, c’est un objet contondant et un bloc d’éternité. » (p. 24) Il y a les parents convaincus que lire est plus méritoire que de regarder la télé, mais qui ne ratent pas le mauvais téléfilm du soir. La lecture est regardée à l’aune de l’école, de la famille, du loisir, du plaisir, de la télévision, de l’obligation. Dans des chapitres très courts, le narrateur décline le verbe « lire » à plusieurs modes : devoir lire, aimer lire, apprendre à lire, vouloir lire, apprendre à aimer lire, etc.
Lire demande du temps, toujours. « Outre la hantise de ne pas comprendre, une autre phobie à vaincre pour réconcilier ce petit monde avec la lecture solitaire est de celle de la durée. » (p. 133) Un roman ne se donne pas sans un certain effort, mais la récompense est, semble-t-il, largement compensatoire du temps passé à tourner les pages et à déchiffrer les lignes. « Le temps de lire, comme le temps d’aimer, dilate le temps de vivre. » (p. 137)
Daniel Pennac se montre volontiers critique des techniques de l’Éducation nationale et il propose de revenir à une pédagogie débarrassée de la contrainte et de la menace. Selon lui, lire doit rester un plaisir et une rampe d’évasion, pas le motif d’un sujet d’étude et de torture intellectuelle. J’avoue être assez gênée par les positions de l’auteur. Oui, il faut donner le goût de lire aux jeunes lecteurs, mais il ne faut pas oublier que la lecture n’est pas qu’un plaisir, c’est aussi une nécessité. Nous lisons toute la journée, sans nous en rendre compte : en faisant nos courses, en conduisant, en travaillant. Il y a bien un moment où cet apprentissage doit être obligatoire et encadré.
Je ne saurais dire si j’ai vraiment aimé cet ouvrage. Certaines idées m’ont paru trop faciles, mais il paraît que certaines choses qui vont sans se dire vont mieux en se disant… Peut-être est-ce parce que je suis déjà complètement convaincue par le plaisir et la valeur de la lecture que les phrases de Pennac sont tombées un peu à plat. Je n’ai pas la télévision et elle ne manque pas tant je sais que je peux toujours trouver mieux et plus dans un livre. Quant aux dix droits imprescriptibles du lecteur tels que les envisage l’auteur, je ne peux qu’y souscrire, mais ces tables de loi littéraires ne sont pas une révolution pour moi. Finalement, j’ai probablement lu ce livre trop tard : il aurait peut-être davantage ému la jeune lectrice que j’ai été, celle qui passait de Dumas à Harlequin tant l’avidité de livre était féroce.