Vatanescu quitte la Roumanie avec un seul objectif : gagner suffisamment d’argent pour pouvoir offrir des chaussures à crampons à son fils. Arrivé en Finlande, il tombe sous la coupe du patibulaire Iegor Kugar, trafiquant russe qui l’emploie comme mendiant et lui impose des conditions de travail et de vie insupportables. Vatanescu se rebelle et c’est ainsi que commencent ses tribulations. Tour à tour cueilleur de baies sauvages, ouvrier de chantier ou prestidigitateur, Vatanescu traverse la Laponie au gré de rencontres et de mésaventures. Sans le vouloir, Vatanescu devient l’icône de la révolte et acquiert une popularité extraordinaire. Les médias ne parlent que de lui et tous les gros bonnets se réclament de son image si populaire. « Vous me prenez pour un autre. Pour quelqu’un d’important. Je ne le suis pas. Je suis Vatanescu de Roumanie. » (p. 253)
Et le lapin, me direz-vous ! J’y viens ! Alors qu’il tente d’échapper à cette brute d’Iegor et qu’il est lui-même en très mauvaise posture, Vatanescu vient à la rescousse d’un lapin blessé. « N’aies pas peur, je suis Vatanescu. Ton égal. Bon pour servir de nourriture aux tigres. » (p. 59) L’animal l’accompagne alors dans son périple rocambolesque et devient sa mascotte, son grigri et son totem protecteur. Entre l’homme et le lapin, c’est une relation de besoin mutuel qui se noue. « Je dois te sauver. Pour me sauver moi-même. » (p. 60) Vatanescu est une âme simple, mais profonde et il a pleinement conscience de sa valeur et de la place de chaque vie sur terre. « Toi, mon lapin, je te protège, mais je ne te possède pas. Nous sommes frères. » (p. 163) Le roman est donc très proche du Lièvre de Vatanen de Arto Paasilinna : ce sont deux fables écologiques et profondément humaines où l’humour agit comme un révélateur.
En lisant ce roman et son titre français, on pense évidemment à Jules Verne, mais il y a aussi quelque chose de Cervantès dans les aventures picaresques de Vatanescu. Ce pauvre Roumain sans argent – mais non sans ressources – passe de situations grotesques en positions absurdes et trace ainsi un chemin loufoque, tendre, drôle et souvent émouvant. Tout commence et finit avec l’amour immodéré d’un père pour son fils et la promesse d’un cadeau. « Qu’est-ce qu’un homme qui n’est pas capable d’offrir des chaussures à crampons à son fils ? » (p. 291)
J’ai passé un excellent moment avec cette lecture que je recommande aux amateurs de road-trips déjantés. Bravo et merci à la personne qui m’a offert ce livre : elle a visé tout juste !