Cycle romanesque de Michel Zévaco.
Je présente à la suite tous les tomes de ce cycle : il y a donc un risque certain que je dévoile des éléments de l’intrigue.
Les Pardaillan
Jeanne de Pienne et François de Montmorency nourrissent un tendre amour, mais un amour interdit : enfants de deux familles ennemies, ils espèrent pourtant que leur union apaisera les haines. Hélas, un jaloux s’en prend à leur enfant qui ne doit la vie sauve qu’au chevalier de Pardaillan. Seize ans plus tard, Loïse a grandi, mais elle ignore tout de son père. Dans le même temps, Jean de Pardaillan, fils du chevalier, s’est installé à Paris et il est secrètement épris de sa jolie voisine. Et à la cour de France, Catherine de Médicis presse son fils, Charles IX, de débarrasser le royaume de France de tous les protestants. Assistée de Ruggieri, son conseiller italien, et de toutes ses espionnes, la reine mère fomente des assassinats, tisse des toiles cruelles et élabore des plans visant à asseoir sur le trône son fils préféré. « Nous pouvons, nous devons mentir puisque le mensonge est le fond même de tout gouvernement solide. » (p. 235)
Dans un style enlevé et rebondissant, Michel Zévaco pose le décor de sa grande fresque de cape et d’épée. Entre secret de famille et secret d’État, la France est un panier de crabes bien dangereux. Heureusement, il existe des héros valeureux comme les Pardaillan chez qui l’honneur est un héritage sacré. « Un bon fils doit imiter les vertus de son père. » (p. 75) En utilisant la grande Histoire pour écrire son histoire, l’auteur met à l’honneur une « famille réputée dans le Languedoc pour ses hauts faits et sa pauvreté. » (p. 500) qui, entre réalité et légende, a sans nul doute sa place dans la littérature.
Nous retrouvons Pardaillan père et fils à l’instant précis où nous les avions quittés. François de Montmorency a enfin retrouvé son épouse et sa fille après dix-sept ans de séparation. Et Jean de Pardaillan pense pouvoir enfin vivre librement son amour pour la jeune Loïse. Mais c’est compter sans les troubles qui agitent la cour de France. Les royales ambitions du duc de Guise, le mariage entre Henri de Béarn et Marguerite de Valois et les machinations de Catherine de Médicis se télescopent à la veille de la Saint-Barthélémy. « Je rêve de nettoyer d’un seul coup le royaume que je destine à mon fils. Je rêve de rétablir l’autorité de Rome pour consolider l’autorité de mon Henri. » (p. 37) La haine de Catherine de Médicis pour les huguenots tient surtout à un secret personnel que la reine protestante Jeanne d’Albret a découvert et dont l’incarnation pourrait un jour venir accuser la reine mère. Voilà pourquoi cette dernière tient tant au massacre des réformés. Et tant pis si un ou plusieurs de ses fils doivent mourir pour que sa royale puissance ne soit pas ébranlée.
Le premier volume avait bien introduit les nombreux personnages de cette saga, le deuxième volume se charge d’approfondir leurs relations et les péripéties qui les frappent. Les amoureux sont sans cesse séparés et leurs sentiments sont mis à l’épreuve. Chantage, menace, mensonge, tout est bon pour briser les liens d’amour. Mais les Pardaillan, rapière à la main et noblesse au cœur, défendent toujours les faibles, les tendres et les justes.
Près de vingt ans ont passé depuis les noces de Jean de Pardaillan et de Loïse. Henri III a bien du mal à garder son trône. Henri de Béarn est pressenti pour lui succéder, mais le duc de Guise est plus ambitieux que jamais et il faut compter avec le duc Charles d’Angoulême, fils illégitime de Charles IX. Dans les rues de Paris, la jeune Violetta, enfant illégitime recueillie par un bourreau, attise les désirs des hommes. Et une nouvelle menace est arrivée d’Italie : la princesse Fausta, descendante de Lucrèce Borgia, a été élue par un conclave secret et veut faire scission au sein de l’Église. Elle voudrait aussi être reine de France et projette de couronner le duc de Guise avant de l’épouser. « Et, lorsque je regarde en moi-même, je ne vois qu’une jeune fille épouvantée de voir que la nature s’est trompée en lui donnant le sexe qui est le nôtre, plus épouvantée encore de découvrir, sous ses aspirations insensées, la faiblesse d’une femme. » (p. 179) Jean de Pardaillan n’est pas homme à laisser de telles aspirations menacer la sécurité du trône de France. Il s’oppose donc à la belle intrigante. Mal lui en prend : cette vierge guerrière développe pour lui de vénéneux sentiments. « Pardaillan, tu vas mourir parce que je t’aime ! » (p. 429)
Il est à nouveau questions d’amours échevelées et passionnées. « Bohémienne ou princesse, du moment que vous l’aimez, elle est l’étoile qui vous guidera. » (p. 58) Pour les besoins des affaires d’État ou des affaires personnelles, les enfants sont perdus, volés, échangés. Quant à Pardaillan, alors qu’il cherche l’assassin de son épouse, il croise de vieilles connaissances, règle de vieilles dettes et solde de vieux comptes. Le chevalier, avec la prestance que l’on connut à son père, ne fait que ce qui est juste, dût-il affronter la Bastille ou les pièges les plus cruels.
Jean de Pardaillan a évidemment survécu au piège tendu par Fausta et il aide son ami Charles d’Angoulême à retrouver Violetta, son amante disparue. « Cher ami, […] vous êtes le cœur le plus généreux, le bras le plus terrible, l’esprit le plus fécond en ressources. » (p. 91) À la cour, il est plus que jamais question de tuer Henri III et de prendre le trône. Reste à savoir quel comploteur parviendra en premier à cette sinistre fin. Les guerres de religion ne sont pas achevées et il reste au peuple une envie de sang et de massacre. Manipulé et aveuglé par la haine, le moine Jacques Clément, fils d’Alice de Lux, espionne sacrifiée par Catherine de Médicis, pourrait être le régicide que tant attendent. Mais si Jean de Pardaillan se tire toujours des pires faux pas, il est aussi un habitué des sauvetages royaux, tout en gardant un front modeste et un cœur brave.
Fausta, en matière de complots et de machinations, pourrait largement en remontrer à la défunte Catherine de Médicis. Seul l’amour semble pouvoir vaincre et faire plier cette diablesse italienne aux aspirations royales et pontificales. Ce quatrième volume des Pardaillan ne manque pas de souffle et le feuilleton se lit avec avidité et intérêt. À peine achevé ce volume, il est impératif d’attraper le suivant !
Alors que Fausta est emprisonnée à Rome, au palais de Saint-Ange, elle se découvre enceinte et accouche du fils de Pardaillan. L’enfant est confié à une servante et Fausta est condamnée à mort. « Fils de Fausta ! Fils de Pardaillan ! Que seras-tu ? Ta mère, en mourant, te donne le baiser d’orgueil et de force par quoi elle espère que son âme passera dans ton être. » (p. 8) Après Paris, c’est à Rome et en Espagne que se montent les intrigues. Le pape Sixte-Quint est à la merci de la Sainte Inquisition, en la personne d’Inigo d’Espinosa, grand inquisiteur d’Espagne. Alors qu’Henri de Béarn n’est pas tout à fait assis sur le trône, le roi Philippe d’Espagne a des prétentions sur la couronne de France. Évidemment, Fausta se tire d’affaire et elle poursuit ses ambitieux projets avec toujours la même haine chevillée au cœur à l’encontre de Pardaillan. Lequel ne manque pas de rappeler qu’il n’est pas homme à se laisser tuer. « C’est pour vous répéter qu’il est assez dans mes habitudes de me tirer d’affaire. » (p. 56)
Pardaillan croise, affronte et soutient tour à tour tous les puissants de son époque : rois, nobles, papes, sans orgueil ni bravade, il choisit simplement à qui il s’attache et à qui il offre son épée. « L’épée du chevalier de Pardaillan se donne, mais ne se vend pas. » (p. 136) En Espagne, il rencontre Miguel de Cervantès et le mélancolique auteur a tôt fait de prêter les traits du valeureux chevalier à un certain hidalgo qui combat les moulins. Noble de cœur, courageux et loyal, le chevalier Jean de Pardaillan est un héros sans peur et sans reproche, à l’image d’un certain d’Artagnan. Sans aucun doute, la lignée des Pardaillan est autant historique que littéraire.
En Espagne, Jean de Pardaillan a rencontré le Chico, un jeune nain courageux. À son habitude, le chevalier arrange les affaires de cœur de ses amis et il est bien décidé à réunir le Chico et la coquette Juana. Il se mêle aussi des affaires du Torero, fils illégitime du roi d’Espagne. « Le chevalier de Pardaillan est au-dessus du commun des mortels, même si ces mortels ont le front ceint de la couronne. » (p. 118) À la cour espagnole, la succession est ouverte. Fausta cherche à nouveau un roi à couronner et à épouser. « Elle serait reine, impératrice, elle dominerait le monde par lui – car il ne serait jamais qu’un instrument entre ses mains. » (p. 45) Pauvre Pardaillan qui se trouve à nouveau sur le chemin de l’ambitieuse Italienne : par sa faute, il sera livré à l’Inquisition et se frottera à de bien vilaines machines.
Dans chaque volume, Michel Zévaco se saisit d’une époque et des personnages qui l’ont marquée pour dresser un décor splendide dans lequel faire évoluer ses propres personnages. Son style picaresque et épique fait mouche à chaque page. Il est sans cesse question d’amour, de loyauté, de revanche. « On venge les morts, avant de les pleurer ! » (p. 36) Dans ce tome, Fausta déploie le pire d’elle-même et chaque fois que ses folles ambitions viennent se heurter à la tranquille prestance de Pardaillan, le personnage gagne en fol orgueil et en cruauté.
Nouveau bond de près de vingt ans. Henri IV est enfin roi de France, mais l’amant de sa femme, Concino Concini, et l’épouse de celui-ci, Léonora Galigaï, ourdissent de sombres projets à son encontre. « Le roi mort, son règle, à lui, Concini, commençait sous le couvert de Marie de Médicis. » (p. 82) Henri IV n’en a pourtant cure : il vient de retrouver la fille naturelle qu’il a eue avec une ancienne maîtresse. Quant à Jean de Pardaillan, il n’a jamais vu le fils qui lui est né de ses violentes amours avec Fausta. Dans les rues de Paris, le jeune Jehan le Brave, bien qu’un peu truand, est noble d’esprit et de cœur. Et son cœur, justement, est tout épris de Bertille, la belle enfant du roi. « Et c’était merveilleux, admirable. Ce lion avouant naïvement qu’il avait eu peur… parce qu’une enfant venait de se pâmer devant lui. » (p. 111) Jean de Pardaillan, Jehan le Brave, voilà deux cœurs faits pour se connaître et se reconnaître.
Serment d’amour, serment de mort : les amoureux ne peuvent vivre les uns sans les autres. Ces sentiments exaltés parsèment le texte : chez Zévaco, on n’aime jamais tranquillement, en tout cas pas quand on est jeune. Il faut de la passion, de la fougue. Et les haines sont à la hauteur de ces amours brûlantes : les enfants sont utilisés pour atteindre les parents et certaines vengeances attendent des années avant de blesser.
Nul ne sait où Fausta a dissimulé les millions qu’elle a laissés derrière elle en quittant la France. « Si riche qu’elle a pu cacher, aux environs de Paris, dix millions destinés à son fils, sans que l’abandon de cette somme énorme parût avoir diminué ses immenses revenus. » (p. 181) Ce fabuleux trésor attise les convoitises : Henri IV s’en servirait bien pour faire la guerre à l’Allemagne et affermir son trône ; la Galigaï et Concini sauraient les faire fructifier pour parvenir à leurs fins ; le pape enfin en aurait bien besoin pour se prémunir contre l’Espagne. En France, la menace régicide pèse toujours sur Henri IV et un certain Ravaillac entre en scène. Évidemment, Pardaillan père et fils se sont retrouvé et reconnus. « Il me semble que le fils de Pardaillan fait honneur à son père ! » (p. 106) La lignée des Pardaillan continue !
Dans ce tome, l’intrigue est plus lente à déployer ses méandres. Tous les efforts des protagonistes sont pour une fois tournés vers un trésor plus matériel que l’amour. Il y a toujours de la romance dans l’air, mais il y a aussi l’envoûtante et vénéneuse mélodie des pièces d’or qui s’entrechoquent. À qui ira cette fortune perdue ? Qui en fera le meilleur usage ? Une fois encore, les chevaliers de Pardaillan se montrent dépourvus d’avidité, eux pour qui la réussite n’est jamais matérielle.
Marie de Médicis est régente du royaume de France. Le futur Louis XIII n’a que quatorze ans. Autant dire que l’infâme Concini a encore de belles années pour comploter à la tête du pays. « Je vous sais homme de précaution, Concini, et n’êtes-vous pas le vrai roi de France ? » (p. 153) Et pourtant, voilà qu’un de ses vieux secrets ressurgit : il a eu une enfant qu’il croyait morte. Mais la jolie Muguette est bien vivante et elle embaume Paris de ses petits bouquets de fleurs. Elle a recueilli Loïse, petit bébé qui fut arraché à ses parents, Jehan et Bertille de Pardaillan. Comme de bien entendu, Jean et Jehan de Pardaillan cherchent l’enfant et leurs pas les ont conduits à la capitale où ils retrouvent Odet de Valvert, leur cousin, lequel est épris, évidemment, de Muguette. Si une enfant perdue n’était pas une peine suffisante, voilà que Fausta refait surface. « Ah ! Misère de moi, voilà Fausta revenue, et du coup voilà les contretemps et les ennuis qui s’abattent dru comme grêle sur moi. » (p. 158) Fausta et Philippe III d’Espage complotent pour s’emparer du trône de France et l’impitoyable Italienne tente de s’allier à Charles d’Angoulême, fils bâtard du défunt Charles IX.
D’un monarque à l’autre, les Pardaillan savent toujours où donner de l’épée et à qui prêter main-forte. Évidemment manichéenne, la répartition des personnages n’en est pas pour autant simpliste tant l’auteur sait manipuler ses héros au gré des péripéties. Hélas, il n’est bonne compagnie qui ne se quitte. Pour valeureux et exemplaire qu’elle soit, la lignée des Pardaillan doit faire, sous la plume de Zévaco, ses adieux à la littérature. Heureusement, il reste un tome pour profiter des personnages !
Charles d’Angoulême envisage de s’emparer du trône de son père. Fausta est grandement accueillie à la cour de France en sa qualité d’émissaire du roi d’Espagne. Nous avons vu qu’Odet de Valvert a le même sang noble, fier et bouillant que ses illustres cousins Pardaillan. Il vole donc au secours de sa belle Muguette qui est aux prises avec la Galigaï. L’épouse de Concini fait montre d’une intelligence fourbe et perverse pour assurer à son époux le pouvoir royal. Et, encore et toujours, Jean de Pardaillan, doit affronter Fausta qui n’a de cesse de vouloir l’occire. « N’oublions pas, n’oublions pas un instant que Fausta, dans l’ombre, rôde sans cesse autour de nous, guettant la seconde d’oubli fatal qui lui permettra de tomber sur nous, rapide et inexorable comme la foudre, et de nous broyer. » (p. 56) Comprendra-t-elle enfin qu’elle s’attaque à plus fort qu’elle ? « À chacune de nos rencontres, j’ai voulu bassement, traîtreusement, meurtrir le chevalier de Pardaillan. Et chaque fois, lui, il a dédaigné de me frapper. »(p. 309 & 310) L’ultime rencontre de la princesse Fausta et du chevalier Jean de Pardaillan s’achève dans une formidable explosion à faire trembler les soubassements de Paris. Quelle sera donc leur fin ?
Dans cet ultime volume, Michel Zévaco se garde bien de conclure les intrigues royales : l’Histoire n’a pas besoin de lui pour continuer sa marche aveugle. Mais c’est avec talent qu’il ferme les portes qu’il avait ouvertes pour ses personnages. L’avenir est enfin serein pour les Pardaillan, illustre lignée dont quatre générations ont servi le royaume de France. Et l’auteur réserve même une éventuelle possibilité de retour à l’un de ses protagonistes. Qui sait ? Quand il n’y en a plus, il y en a peut-être encore…
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Avec ses dix tomes, la délicieuse relecture estivale du cycle romanesque des Pardaillan me permet sans peine de signer une nouvelle participation au défi des 1000 de Fattorius ! Faisons le compte des pages.
510 + 510 + 442 + 442 + 350 + 382 + 318 + 316 + 314 + 315 = 3899 pages. Allez, en comptant la relecture de ce billet démesurément long, ça donne 3900 pages !