Vous avez peur dans le noir ? Dites-vous que c’est dans le noir que vous êtes en sécurité… « Personne n’y comprend rien. Personne ne sait ce qui se passe. Les gens voient quelque chose qui les pousse à blesser autrui. À se faire du mal. » (p. 43) À Detroit, cinq ans après un bouleversement mystérieux, Malorie élève ses deux enfants dans une maison dont les fenêtres sont occultées. Il est interdit de regarder à l’extérieur. « Ils ne sortent jamais très longtemps. Et toujours les yeux bandés. » (p. 11) Parce que dehors, il y a quelque chose qui rend fou si on le regarde. Qu’est-ce donc ? Personne ne le sait : ceux qui ont vu la chose ou les créatures ont perdu la raison et sont morts. « Qu’est-ce que tu redoutes de voir ? […] / Personne ne connaît la réponse à cette question. » (p. 35) Il y a donc une menace à l’extérieur et Malorie veut emmener ses enfants vers un havre sécurisé. Elle doit emprunter la rivière sur une barque. Sa seule protection est le bandeau qu’elle garde sur les yeux. Sa seule arme est l’ouïe affûtée de ses enfants. Rien d’autre ne peut protéger cette petite famille qui part, les yeux condamnés, vers un possible refuge.
En parallèle du récit de voyage, on suit les souvenirs de Malorie qui remontent vers le début de l’épidémie, les villes désertées, les morts atroces et les horreurs relayées par les informations, toujours entourées de mystère puisque personne ne sait ce qui se passe. Malorie se souvient de son arrivée chez Tom, homme au grand cœur qui avait ouvert sa maison pour accueillir tous ceux qui avaient besoin d’aide. Entourée de Félix, Jules, Don, Cheryl, Olympia et Gary, c’est là qu’elle a accouché. C’est là qu’elle a élevé ses bébés en les protégeant de l’extérieur. « Les enfants, elle le savait, ne ressentiraient aucun manque dans le nouveau monde s’ils n’en voyaient jamais rien. » (p. 166) C’est là aussi qu’elle a frôlé l’horreur et la mort.
Énorme coup de cœur pour ce roman aux airs postapocalyptiques et à l’atmosphère terrifiante. Stephen King aurait pu écrire cette merveille ! « Vos inquiétudes ne vous protègent de rien, elles ne vous donnent que des heures d’inquiétude supplémentaires. » (p. 84) Question rhétorique : le plus terrifiant est-il de voir une créature hideuse et menaçante ou de savoir qu’elle est à côté de vous, mais que la voir vous tuerait ? Dans cet univers de terreur constante, les aveugles sont rois et ignorer est plus précieux que savoir. Je suis certaine que je ne saurai pas survivre dans un monde où je ne peux pas voir où je mets les pieds, moi l’empotée des guibolles.
Un film est en préparation et j’ai bien hâte de voir (ahaha) ce qu’il donnera ! J’espère qu’il respectera le principe du roman et qu’il ne montrera pas les créatures. C’est cette absence d’image et la course folle d’une imagination frustrée qui font régner la tension et la terreur. « Quelle que soit leur nature, […], notre cerveau est incapable de les appréhender. Un peu comme l’infini, d’une certaine manière. Quelque chose de trop complexe pour notre entendement. » (p. 67) Vous êtes du genre à fermer les yeux quand le monstre apparaît à l’écran ? Tant mieux, mais gardez-les bien ouverts pendant votre lecture et n’en perdez pas une miette.