Bande dessinée d’Alain Ayroles et de Jean-Luc Masbou.
Dans le tome précédent, nous avions laissé notre cher Eusèbe au fond d’un sac, face à un ennemi qu’il connaît bien. Son frère jumeau, Fulgence. Le lapin rejeté par la famille est devenu le roi de la Cour des miracles et il voudrait que son frère arrête de faire le rôtisseur pour se joindre à lui dans la rapine et le crime. « Cette fois, mon frère va trop loin : Je vais de ce pas lui tirer les oreilles ! » (p. 32) Eusèbe ne l’entend pas de cette (longue et douce et blanche et mignonne) oreille. Notre petit lagomorphe pratique le bien avant tout et pas question de se salir les pattes et l’âme dans des tâches assassines. Fagotin, le singe spadassin, a moins de scrupules puisqu’il envoie ad patres le pauvre M. de Lisière, poète oublié, et qu’il se prépare à régler son compte au grand veneur qui aimerait devenir calife à la place du Cardinal qui agonise en son palais.
Les retrouvailles entre frangins ne se sont pas passées le mieux du monde, mais Eusèbe et Fulgence renouent peu à peu des liens et se retrouvent finalement à œuvrer du même côté : différentes méthodes, but commun (peau de lapin). « Ça alors ! Mais… Fulgence ! … Cela voudrait-il dire qu’à ta façon, tu combats un peu l’injustice ? » (p. 24) L’on comprend alors que Fulgence n’est pas un simple brigand à la tête d’une horde de voleurs et de faux mendiants, mais un écorché vif qui crie vengeance au nom des pauvres et des opprimés. Sûrement à cause de son passé et de sa triste histoire familiale. « Où étais-tu quand je fus chassé du terrier sous les torgnoles paternelles, sans que nul ne bougeât une oreille en ma faveur ? Où étais-tu ? / Chez Mamie. » (p. 35) Viens là, Fulgence, je vais te faire un gros câlin, moi ! Et l’on comprend enfin comment Eusèbe le choupinou s’est retrouvé aux galères… pour un crime commis par son frère ! Eh oui, comme l’a si bien dit M. de La Fontaine, si ce n’est toi… Ça n’a pas que des avantages de se ressembler comme deux gouttes d’eau.
Eusèbe fait souvent montre d’une candeur un peu niaise, mais il est si adorable et si innocent qu’on lui pardonne tout. Cet album, comme le précédent consacré au petit compagnon des héros de la série De cape et de crocs, regorge de jeux de mots et de traits d’humour à base de lapin. Vous pouvez tous les imaginer, ils sont présents dans les planches de ce volume qui clôt le diptyque consacré au doux et courageux Eusèbe. La dernière image reboucle avec élégance et intelligence sur l’aventure qui permet au mignon lapin de rencontrer ses camarades loup et renard. Et je vais de ce pas relire tous les albums !