Loretta, mariée et mère de famille, a le sentiment d’avoir raté sa vie. Duane vient en aide à un petit garçon. Claire garde de terribles souvenirs dans une vieille maison. Louise envisage de quitter son mari adultère. Martha et Paul sont bien mal récompensés pour leur dévouement. Martin est persuadé que Charlotte l’a trahi. Clément se retrouve pieds et poings liés au bord d’une falaise. Walter est un monstre de violence et de cruauté. Mary Beth doit faire face à son passé. De jeunes hommes disparaissent. Des corps de femmes sont retrouvés. Menaces, violences, viols, cambriolages, meurtres et torture, rien n’est épargné aux protagonistes, et surtout pas le pire.
Les loups à leur porte est un texte magistral. C’est moins un roman qu’une composition de textes, entre nouvelles et fables, qui parfois se rejoignent et dessinent un motif unique, mais souvent se répondent simplement comme les échos d’un même cri : celui de la peur, de la douleur et du danger. Celui des loups dont le hurlement glace le sang. Dans les chapitres de ce livre, il y a des intrus qui rôdent autour des maisons et qui excitent les peurs profondes, les terreurs d’enfance et les angoisses viscérales. Mais il faut se poser une question fondamentale : les victimes sont-elles innocentes ? La construction du roman est intelligente et maîtrisée : entre renvois et rappels, l’auteur dessine un jeu de piste macabre qui ensanglante l’Amérique et contamine le vieux continent.
La vengeance exercée par certains personnages est d’une précision mécanique et machiavélique. C’est une forme particulière de justice où il s’agit moins de réparer les torts que de purger les passifs et de frapper plus fort que son adversaire. « Il se rassit face au corps et resta de longues minutes sans bouger le moindre membre. Et, les traits de son visage ne trahissant aucune émotion, il le poussa dans la fosse d’un violent coup de pied. » (p. 139) La revanche conduit à la résilience et permet de se débarrasser enfin des cauchemars gluants qui s’accrochent à la veille pour troubler la netteté de la réalité.
La quatrième de couverture évoque une inspiration venue de Twin Peaks, de Stephen King ou de Joyce Carol Oates. Ces trois monstres de la culture américaine ont en commun une esthétique léchée, entre gothique et épouvante, où se niche une étrangeté terrifiante. Jérémy Fel parle de l’Amérique comme un natif et, sur certaines pages, on croirait lire du Jim Harrison. Mais quand il situe ses intrigues en Angleterre ou en France, son ton est également parfaitement juste. Son premier roman est une réussite complète et il me tarde de lire ce qui sortira de son esprit torturé et génial !