Après la naissance de Mila et d’Adam, Myriam souhaite reprendre son travail d’avocate et s’épanouir en dehors du nid familial. Avec son époux, Paul, elle cherche la gardienne parfaite pour leurs enfants. « Cette nounou, elle l’attend comme le Sauveur, même si elle est terrorisée à l’idée de laisser ses enfants. » (p. 15) Arrive Louise : discrète, efficace, omniprésente, indispensable, elle prend rapidement de plus en plus de place dans la maison et dans la famille. Il y a bien des signes et des indices qui montrent que Louise n’est pas tout à fait normale, mais Paul et Myriam sont tellement ravis de leur nounou parfaite qu’ils ferment les yeux sur sa possessivité malsaine et sa névrose grandissante. « Bien sûr, il suffirait d’y mettre fin, de tout arrêter là. Mais Louise a les clés de chez eux, elle sait tout, elle s’est incrustée dans leur vie si profondément qu’elle semble maintenant impossible à déloger. Ils la repousseront et elle reviendra. Ils feront leurs adieux et elle cognera contre la porte, elle rentrera quand même, elle sera menaçante comme un amant blessé. » (p. 136) Comme l’annonçait la première page, tout finit atrocement : le drame était inévitable, sur fond de berceuse.
Le récit s’ouvre sur un tableau d’épouvante, mais la terrible scène n’est jamais décrite. On l’approche, on la renifle, on en fait le tour, on en gratte le couvercle du coin de l’ongle, mais la narration nous en écarte toujours, par des ellipses ou des retours en arrière. Parce que la mort d’un enfant se passe de détails et de mots : sa simple évocation dit tout. La grande force de ce roman, c’est sa concision et la précision avec laquelle l’autrice a dessiné ses personnages. Il en faut très peu pour saisir leurs failles et leurs défauts. Louise, c’est un peu Mary Poppins à la sauce Stephen King, quand l’horreur naît du quotidien. Chanson douce est un roman-bombe, qui explose sous les yeux et pulvérise les barrières.