Revue cinéma, dirigée, rédigée et illustrée par des femmes.
« Le cinéma sans aborder les femmes a toujours été un mépris, une faute ou au mieux un oubli inconscient qu’il est grand temps de nommer pour ne pas le recréer. »
Dans le premier numéro de cette revue, les autrices parlent de toutes les premières fois au cinéma : première réalisatrice, première actrice racisée recevant une récompense, première cheffe monteuse, première représentation d’un couple gay non caricatural, première actrice noire à jouer d’autres rôles que celui de la domestique, etc. Ce faisant, les contributrices dressent un panorama large du matrimoine du septième art. Par matrimoine, il faut comprendre tout ce qui n’est pas le patrimoine dominé et produit par et pour l’homme blanc hétérosexuel. Évidemment, cela a tout à voir avec les mouvements et théories féministes. « Le féminisme est un décadrage, il éclaire sous un nouvel angle les disciplines, les normes et les représentations. »
Célébrer les premières fois, c’est formidable, mais dénoncer le retard et les difficultés d’accès des femmes aux métiers du cinéma, c’est NÉCESSAIRE. Cette réflexion s’accompagne d’un regard très critique, voire cynique sur les organisations et les postures des décideurs du milieu cinématographique. « L’époque est favorable à ce qu’on mette les femmes en avant, mais ce n’est pas pour autant que les institutions vont prendre des risques et investir dedans. »
Les autrices étant farouchement optimistes, elles présentent chaque avancée comme une victoire, et c’est cet état d’esprit que je partage. Il reste énormément à faire, mais il faut se réjouir de tout. « Il n’est jamais trop tard pour réparer l’oubli. » Cette lecture m’a beaucoup rappelé Présentes de Lauren Bastide : les chiffres ne mentent pas et ils prouvent le peu de place laissée aux femmes dans le cinéma, avec les conséquences évidentes que cela peut avoir sur cet art et ses consommateurs. « Les réalisatrices comme les techniciennes sont rarement représentées sur les plateaux. Les images étant rares dans les inconscients collectifs, les femmes au cinéma sont habituellement sujettes à l’inaction. » Évidemment, qui dit prédominance masculine dit male gaze et déformation de l’image de la femme. Pour rappel, le male gaze, c’est la façon hétéronormée de présenter et représenter la femme selon une vision masculine, toujours teintée d’objectivation sexuelle, voire de culture du viol. « Contrebalancer la critique blanche hétéronormative est donc vital. Pauline Kael faisait fi de ces considérations patriarcapitalistes et élitistes et esquissa une anthologie du cinéma impressionniste, contre le white male cinema. »
Je ne lis presque jamais de revues : j’ai déjà trop de livres en attente. Mais je n’ai pas pu passer à côté de Sorociné et j’attends avec impatience les prochains numéros. Dernier coup de chapeau de ma part : les illustrations de Marita Amour sont de celles qu’on voudrait encadrer et afficher dans son salon pour en jouir au quotidien.