Dans le monastère Notre-Dame de Boscodon en Provence, le vieux jardinier a beaucoup à raconter. « J’ai vécu plusieurs vies. J’ai été celui qui tient la plume et celui qui tient l’épée. […] Aujourd’hui, je m’occupe des plantes, demain je serai l’humus dont elles tireront une vigueur nouvelle. » (p. 6 & 7) D’abord apprenti forgeron, le narrateur est entré au service de Raimondus, chroniqueur de la première croisade. Soldat anonyme au sein de l’armée de Provençaux menée par le comte Raymond de Toulouse, il connaît l’épuisement, la faim et les combats. Il se lie avec le valeureux Dieter et apprend le maniement des armes à ses côtés. « Alors reste avec moi, ne t’aventure nulle part tout seul. Jamais. On meurt seul. On fait la guerre ensemble. » (p. 55) Au hasard d’une bataille et d’un terrible massacre, le soldat s’attire la gloire et le respect des autres combattants, et il suscite surtout l’intérêt de la belle Maria de Toulouse, femme de son suzerain. Mais il porte en lui une terrible culpabilité que même le pèlerinage jusqu’à Jérusalem ne peut absoudre. « Tiens-toi à l’écart des autres. Tu ne leur apportes que des souffrances. Tu trompes tes semblables, bien entendu, avec ton regard de détresse et ta bravoure née du désespoir. » (p. 223)
Page après page, le lecteur suit le lent et pénible chemin des pèlerins vers la ville sainte, du siège d’Antioche à la bataille de Dorylée. « Que chacun parcoure lui-même le chemin à propos duquel il veut écrire au lieu d’aller chercher les histoires des autres. » (p. 74) Cette phrase illustre parfaitement le long travail de recherche de l’auteur pour produire ce roman historique au souffle épique. J’ai plongé dans ce texte avec fascination et avidité. En premier lieu, la fin m’a semblé très abrupte, mais après réflexion, elle est exactement ce qu’il fallait pour conclure ce récit.