Hallstein et Sissel profitent d’une fin de journée et d’une nuit sans leurs parents, exceptionnellement absents. Tout semble possible dans cet intervalle de temps libéré. Soudain une voiture cale au bas de la maison et cinq étrangers exigeants en sortent. « Où que nous allions nous sommes une nuisance. Voilà ce que nous sommes. » (p. 258) Une femme en couches, une autre paralysée et paranoïaque, un homme intranquille et frénétique, une jeune fille inquiète et un futur père explosif. En quelques heures étouffantes, les émois et les crises se succèdent. « Puisque cette nuit rime avec fièvre. » (p. 146) La situation est trop galvanisante et extraordinaire, surtout pour Hallstein qui soulève avec excitation et frayeur le voile qui le sépare du monde adulte. Le garçon est tiraillé par des promesses contradictoires faites aux inconnus. . « Je crois que personne n’arrivera à dormir cette nuit. […] Il va sûrement se produire tout un tas de choses. » (p. 115) De fait, dans la pénombre chaude d’un crépuscule qui refuse de s’éteindre complètement, la vie et la mort se côtoient et les événements se précipitent. « Des choses inouïes se produisaient avant qu’on les ait pensées. » (p. 223)
Je retrouve avec plaisir l’auteur norvégien qui sait si bien peindre la panique des sentiments face à la nature impassible. Après Les oiseaux (que je compte relire prochainement), Tarjei Vesaas propose une autre version des relations fraternelles. Hallstein/Sissel et Gudrun/Karl sont des paires aux fonctionnements différents, au sein desquelles la tendresse ruisselle avec plus ou moins de force. La fin du roman m’a semblé abrupte à la première lecture, mais en y revenant quelques heures après, j’y vois plutôt une formule qui clôt un conte, qui ramène à la réalité et qui ferme une parenthèse impossible. Voilà un très grand roman de Tarjei Vesaas !