« Ici, mon statut d’Exilée m’interdit de parler à quiconque de ma condamnation ou de ma vie d’avant l’Exil, et je me sens doublement isolée. » (p. 7) Dans une société nord-américaine traumatisée par le 11 septembre, la population est sous contrôle, sans cesse soupçonnée de trahison. C’est ainsi qu’à 17 ans, la veille de sa remise de diplôme, Adriane est arrêtée. Son crime ? Elle est considérée comme provocatrice parce qu’elle pose des questions sur le passé. Sa punition est sans appel : elle est envoyée pour 4 ans dans la zone 9, à savoir l’année 1959, dans l’université Wainscotia du Wisconsin. Là-bas, 80 ans plus tôt, elle s’appelle Mary Ellen et elle a tout intérêt à être exemplaire si elle veut retrouver son époque et sa famille. Pendant des semaines, elle souffre seule dans cette époque qui n’est pas la sienne. « La punition de l’Exil est la solitude. Il n’y a pas d’état plus terrifiant que la solitude même si on ne le pense pas quand on ne se sent pas seul ; quand on est en sécurité dans ‘sa’ vie. » (p. 152) Puis tout change quand elle rencontre Ira Wolfmann, chargée du TD de psychologie à l’université. Adriane/Mary Ellen en est convaincue : il est en Exil, comme elle. La jeune fille tombe éperdument amoureuse de cet universitaire brillant, bien plus âgé qu’elle, et tout aussi solitaire. « Je désirais le divertir et l’intriguer, tant je mourais d’envie de devenir essentielle dans la vie de cet homme. » (p. 216) Les deux êtres en perdition sauront-iels se sauver l’un et l’autre ? Pourront-iels échapper à leur sanction dans le passé, même s’iels savent qu’iels sont constamment sous surveillance ?
La fin du roman m’a décontenancée. C’est un peu un soufflet qui retombe tristement alors qu’il était très prometteur. Toutefois, j’ai beaucoup apprécié ce récit dans lequel Joyce Carol Oates dépeint une Amérique malade et dystopique, prompte à réécrire et expurger son histoire, mais surtout à classer sa société en types bien distincts. Diviser pour mieux régner, ça marche à tous les coups… Cette lecture m’a beaucoup m’a fait penser à deux romans de Margaret Atwood, La servante écarlate et C’est le cœur qui lâche en dernier.