Travailler en temps de guerre 14-18/39-45

Ouvrage collectif.

Ce catalogue d’exposition est l’occasion de revenir sur ma visite de la manifestation éponyme. Les Archives nationales du monde du travail, situées à Roubaix, ont fouillé dans leurs magasins et leurs collections pour dresser un panorama très complet du travail en temps de guerre. « Le discours porté durant les deux guerres montre la volonté de maintenir la population au travail, car la production des pays en guerre est déterminante dans l’avancement du conflit. » (p. 9) L’exposition rappelle comment la diminution de la main-d’œuvre masculine a entraîné une féminisation accélérée de certains métiers et secteurs d’activité. Évidemment, les droits des femmes n’ont pas progressé en conséquence, cela se saurait… Il est question de propagande travailliste et d’organisation du travail par l’État et/ou l’occupant, mais aussi des exclus du travail, des réquisitionnés, des ouvriers venus des colonies ou encore des atteintes faites aux travailleur·euses. « Le droit du travail s’adapte aux besoins d’une économie de guerre qui privilégie la production au bien-être des travailleurs. » (p. 16)

Sans surprise, la partie dédiée aux prostituées m’a beaucoup touchée. « La parole de celles qui ont exercé ‘le plus métier du monde’ en temps de guerre est inaudible. La chape de plomb morale, légale et sanitaire est telle qu’il n’existe aucun témoignage direct, aucune mémoire constituée. Il faut se contenter de la voix des autorités civiles et militaires qui contrôlent la prostitution. » (p. 22) Plus largement, les femmes sont donc largement mises au travail. Cependant, comme souvent, elles sont soumises à des injonctions paradoxales : main-d’œuvre moins payée, elles doivent assurer la production ou les récoltes, mais sans prendre durablement la place des hommes et tout en continuant à rester des ventres féconds, notamment dans l’entre-deux-guerres. Triple peine, vous avez dit ?

J’ai découvert le bras de labeur, cette prothèse prêtée aux mutilés de guerre par les entreprises pendant les heures de travail pour qu’ils produisent et participent à l’effort de guerre. Ces équipements s’attachaient par des lanières autour du torse et se terminaient par des outils différents selon la tâche du travailleur : marteau, bêche, pince, etc. Restons dans le cynisme : l’organisation de la production industrielle pendant les deux conflits a contribué au déploiement du taylorisme en France. Les ouvriers sont de moins en moins libres, y compris dans l’usine et les gestes professionnels… Les actes de résistance et de sabotage n’en avaient que plus de sens !

Je ne peux que vous conseiller la visite de cette exposition qui est visible jusqu’au 4 mai 2024 aux Archives nationales du monde du travail. Le parcours est très bien construit. Un espace est prévu pour les enfants de tout âge (jusqu’à 77 ans, donc !) et vous pouvez remplir une fiche pour rendre hommage à un proche qui a travaillé pendant une des guerres.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.