Essai de Lucile Peytavin.
Sous-titre : Ce que la France économiserait si les hommes se comportaient comme les femmes
Premier chiffre à retenir : 96,3 % des personnes détenues en France sont des hommes. L’autrice ne fait preuve d’aucune misandrie : « La virilité, en tant que construction sociale, est donc la véritable cible de cet essai. » (p. 13) Toutefois, elle pointe un élément essentiel : les hommes ont des comportements plus violents, plus dangereux, plus criminels que les femmes. « Leur taux de mortalité évitable est 3,3 fois plus élevé que celui des femmes. » (p. 17) Mais alors, qu’est-ce qui explique une telle différence ? Lucile Peytavin démonte plusieurs clichés : non, la testostérone ne rend pas violent ; non, les hommes des cavernes n’étaient pas « déjà » violents. « Dans l’espace public, ils insultent, ils crachent, urinent, dégradent, menacent, sont responsables de nuisances sonores, adoptent des attitudes provocatrices. » (p. 101)
Ce qui compose le caractère viril et qui en explique les conséquences dangereuses et négatives, c’est la culture, l’éducation, l’apprentissage dans un monde qui glorifie la virilité puissante, voire encourage ses dérives, tandis qu’il ridiculise le calme, le respect, la tendresse et la communication s’ils sont le fait des hommes, attributs qui reviendraient apparemment à la femme ou aux homosexuels. « Transgresser permet donc de consolider son identité masculine. » (p. 73) Nombre de réflexes et de comportements inconscients, mais difficiles à déboulonner, sont acquis pendant l’enfance, au travers des jeux et à l’école. « L’éducation dispensée aux garçons dès leur plus jeune âge est celle d’une “acculturation à la violence” par le biais de la virilité. » (p. 62)
Les violences faites aux femmes sont une façon pour les hommes de réaffirmer les rapports de domination entre sexes, pourtant fondés sur rien d’autre que la volonté de discriminer un groupe social, sans aucune raison naturelle. À noter la double peine pour les femmes : elles sont les principales victimes des comportements virils négatifs, mais quand ce sont elles qui sont violentes, elles sont jugées plus sévèrement (moralement et par la justice), au motif qu’elles iraient contre leur nature féminine en se prêtant à de tels actes.
Les hommes, pourtant, sont également victimes de la virilité qui leur impose de ne pas exprimer leurs sentiments, de faire face : cela conduit à la taciturnité, à la solitude, à des dépressions niées et non soignées et, dans les pires des cas, à des suicides. « La virilité est donc aussi une oppression de l’homme par l’homme. Elle est extrêmement coercitive et discriminante envers les hommes eux-mêmes. » (p. 84)
Au terme de plusieurs pages de calculs socioéconomiques, Lucile Peytavin arrive à un résultat vertigineux. « J’estime à 95,2 milliards d’euros par an le coût des comportements virils sur l’économie française. » (p. 19) Avec un tel budget, le pays pourrait mener bien des chantiers sociaux ! Mais il faudrait déjà que l’État revoie ses actions en intégrant la donnée genrée : puisque ce sont les hommes qui sont très majoritairement responsables de cette dépense faramineuse dans la défense, la justice et la santé, c’est vers eux qu’il faut tourner les politiques et les plans d’action. Ce n’est qu’ainsi que seront réduits les crimes sur les personnes, contre les biens et contre l’État, que des vies seront sauvées (y compris celles des hommes auteurs de ces agissements) et que seront évités des traumatismes. Ce n’est qu’ainsi que commencera à se construire une société pacifiée, libérée et moins polluée. « Pourquoi, alors que la moitié de la population (les filles) est éduquée à respecter les règles régissant notre société, ne pas faire de même avec l’autre moitié (les garçons) ? » (p. 154)
Messieurs, avec les 25 pages de références en fin d’ouvrage, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas, que vous n’avez pas les chiffres ou que vous ne savez pas où chercher : tout est là, y a qu’à se servir ! Moi, je range cet essai brillant sur mon étagère féministe !
Coucou ! Je n’ai pas (encore) lu cet ouvrage, mais j’avais vu ici et là qu’il manquait de finesse d’analyse, en ne liant pas forcément le genre, la classe et la race. Il y a en effet plusieurs types de masculinité, celle des classes bourgeoises, globalement blanches, celle des prolétaires blancs (qu’on appelle les « bofs »), celle des personnes racisées… Et chacune a ses manifestations, ses codes, et surtout la première domine les autres.
Oui, j’ai aussi vu passer des critiques du livre.