
Roman d’Hervé Le Tellier.
En mars 2021, un avion décolle de Paris et atterrit à New York, après avoir traversé une terrible perturbation. Les passagers et l’équipage sont assez convaincus que ce voyage a changé quelque chose. Quelques mois plus tard, en juin, une anomalie inconcevable leur donne immensément raison. Dès lors, les plus grands esprits se mobilisent pour résoudre l’impossible, et tout pourrait basculer. « La vérité est que le monde entre en quelques heures dans une vacuité de sens. Puisque la religion fournit une réponse doctrinale et fausse, la philosophie se propose d’en donner une abstraite et erronée. » (p. 300)
Je me refuse à en dire plus ! Déjà parce que l’auteur dresse un nombre considérable de portraits. Surtout parce que chaque lecteur·ice a le droit de découvrir l’anomalie. On m’avait hélas divulgâché le ressort de l’intrigue, mais j’ai pris un plaisir fou à lire ce roman férocement absurde et terriblement addictif, au croisement du polar, de l’essai quantique, de la thèse complotiste, du roman de mœurs et de la science-fiction. Je retiens des phrases délicieuses, sifflantes comme des flèches.
« On n’imagine pas ce que les tueurs à gages doivent aux scénaristes de Hollywood. » (p. 16)
« L’amour, c’est ne pas pouvoir empêcher le cœur de piétiner l’intelligence. » (p. 34)
« Le fait d’écrire, dans un dessin ou ailleurs, qu’un suprémaciste blanc manque de matière grise n’est pas une injure, mais une opinion, voire un diagnostic. » (p. 77)
« Quelqu’un, quelque part dans la galaxie, a donc lancé une pièce, et celle-ci est vraiment restée suspendue en l’air. » (p. 107)
« Nous sommes parvenus à dix hypothèses, sept sont des plaisanteries, trois retiennent notre attention, et l’une rencontre l’adhésion de la majorité. » (p. 162)
« La liberté de pensée sur Internet est d’autant plus totale qu’on s’est bien assuré que les gens ont cessé de penser. » (p. 299)