La nuit au cœur

Texte de Nathacha Appanah.

L’autrice raconte les violences conjugales subies par trois femmes, dont elle-même. Violences quotidiennes, physiques, psychologiques, sexuelles, violences jusqu’aux menaces de mort, violences jusqu’aux féminicides de deux des femmes dont il est question. « C’est le châtiment terrible d’être tué par la personne qui dit vous aimer. » (p. 66) L’autrice a échappé – de justesse sans doute – à l’homme qui exerçait sur elle une emprise totale et annihilante. « Où est passée ma capacité à réfléchir et à penser ? » (p. 27) Dans son texte, Nathacha Appanah présente trois femmes qui courent pour échapper à leur conjoint, qui courent pour leur vie, tenaillées par la terreur, horrifiées que cette scène soit la dernière. « Il y a tant de façons de mourir et il y a tant de manières d’avoir peur. » (p. 59) Il faut dire le prénom des deux victimes de féminicide : Emma et Chahinez. Il faut écrire sur ces femmes qui, avant de mourir, ont été effacées de leur vivant par des hommes oppressifs. Il faut dire toutes les ruses pour gagner une heure de tranquillité, pour tenir l’angoisse en respect, pour traverser les jours en équilibre. « La survie, avant tout. Parfois il faut rester tranquille et faire la morte. Parfois il faut se débattre, parfois il faut courir. » (p. 113)

Nathacha Appanah aurait pu être une unité supplémentaire dans les statistiques des violences faites aux femmes et dans le nombre annuel des féminicides. Puisqu’elle a vécu et qu’elle a survécu à son bourreau, elle veut tirer de l’oubli Chahinez et Emma, ne pas les laisser à l’état de faits divers. « J’écris comme on comble un trou, j’écris comme on crée un lien. » (p. 154) Elle veut surtout dénoncer le traitement judiciaire et médiatique des féminicides. Et puisque la société échoue souvent à protéger les femmes et à leur rendre justice, Nathacha Appanah convoque les coupables dans un espace dont ils ne peuvent pas s’échapper. « Je mets cet ouvrier, cet employé et ce poète dans une pièce vide. […] Dans cette pièce qui n’existe que dans ma tête, il y a un dispositif que j’actionnerai quand ils seront résignés. […] C’est un dispositif qui les empêchera de prétendre à la folie, à l’amnésie, qui leur interdira de parler de responsabilité partagée. Dans ce lieu vitreux, il n’y aura aucune place pour les explications psychologisantes qui ne servent qu’à disculper les coupables, à susciter l’empathie et à effacer leurs victimes. » (p. 9 &10)

J’ai lu ce roman de Nathacha Appanah comme ses précédents, en apnée, noyée d’émotions et de colère face aux souffrances des femmes, mes sœurs. L’emprise d’un homme mauvais, je l’ai connue et je la revis parfois dans mes cauchemars. « Ce n’est pas violent, mais ce n’est pas doux. C’est autoritaire et sournois. » (p. 30) L’autrice traite avec une délicatesse immense un sujet dont on a bien compris qu’il n’était la grande cause d’un certain quinquennat que pour faire joli… Lisez Le ciel par-dessus le toit et Tropique de la violence de Nathacha Appanah : vous y trouverez le même plaidoyer pour l’humanité.

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Une réponse à La nuit au cœur

  1. Lydia dit :

    Toujours pas lu mais c’est prévu.

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