
Roman d’Herbjorg Wassmo.
Dorte a quinze ans et une remarquable beauté blonde. Dans le village de Lituanie où elle vit avec sa mère et sa sœur, chaque jour est consacré à la recherche d’un travail. Il y a bien Nikolaï, le fils du boulanger qui sent si bon le pain, mais les moments doux sont rares. Convaincue par une ancienne camarade d’école, Dorte accepte de prendre un travail de serveuse à l’étranger. Hélas, elle tombe dans les griffes d’un trafic de jeunes filles entre les pays baltes, la Suède et la Norvège. « Il fallait surtout se concentrer sur soi-même. Ne pas penser. Tout finirait bien un jour. Même le mal. » (p. 104) De viols en blessures longues à cicatriser, Dorte découvre le quotidien des jeunes prostituées et les interminables journées à recevoir des clients. Elle n’a qu’une obsession : rentrer chez elle, mais ça suppose de récupérer son passeport et d’avoir de l’argent, et surtout de ne pas sombrer dans le désespoir et ne pas se laisser submerger par l’atrocité de sa situation. Pour disjoncter le réel, elle se réfugie dans des rêveries et des conversations imaginaires avec ses proches. « Le secret de la pensée est que personne ne peut te la prendre. » (p. 233)
Dorte n’est qu’une enfant, complètement dépassée par ce qu’elle vit. Sa candeur s’incarne dans les litres de lait qu’elle boit, boisson éminemment enfantine. Le destin funeste de Dorte m’a rappelé celui de Tora, petite créature qui cherche toujours à bien faire et qui se heurte aux vicissitudes du monde. L’adolescente est courageuse, mais profondément épuisée, souvent découragée. Ce personnage m’a profondément émue et, une fois encore, je salue le talent d’Herbjorg Wassmo qui sait parler avec précision des horreurs subies par les femmes, mais sans voyeurisme. C’est une lecture qui me marquera longtemps.