Michel est un scientifique entièrement dévoué à son travail et étranger aux mouvements du cœur et de l’existence. Bruno est un fonctionnaire obsédé par l’assouvissement de ses passions et déprimé par la fuite du temps. Ces demi-frères que tout oppose depuis l’enfance traversent différemment les années 70 à 2000, entre révolution sexuelle et explosion technologique. Mais cela n’est rien face à la troisième mutation métaphysique dont Michel est responsable et qui transforme à jamais le visage de l’humanité. « On est quand même surpris de voir avec quelle douceur, quelle résignation et peut-être quel secret soulagement les humains ont consenti à leur propre disparition. » (p. 298)
Quand j’ouvre un roman de Michel Houellebecq, je me doute que la lecture ne sera pas enjouée ni le sujet léger. Ici, la frustration et la misère sexuelle de l’homo erectus au 20e siècle sont dépeintes avec cynisme. La masturbation et les éjaculations hâtives sont moquées, ridiculisées. Désir, amour, plaisir, reproduction, tout cela semble dérisoire, inutile, et d’autant plus au regard de l’importance que cela revêt aux yeux des masses populaires. « Adolescent, Michel croyait que la souffrance donnait à l’homme une dignité supplémentaire. Il devait maintenant en convenir : il s’était trompé. Ce qui donnait à l’homme une dignité supplémentaire, c’était la télévision. » (p. 111) J’ai déjà lu La carte et le territoire et Soumission : dans ce roman qui est antérieur aux deux ci-dessus, Michel Houellebecq propose une démonstration brillante, mais comme toujours parfaitement déprimante.