Texte de Solange, pseudonyme d’Ina Mihalache. Illustrations d’Iris de Moüy.
La narratrice raconte comment elle a adopté Truite, petite chienne abandonnée du Tennessee. « J’écris à propos de mon chien parce que c’est quelque chose qui m’est arrivé dont je ne m’imaginais pas capable. » (p. 17) La femme et l’animale sont toutes deux immigrées à Paris. La première est pleine de fêlures et de fragilités, mais elle a trouvé les ressources nécessaires pour accueillir un être vivant dans son quotidien. « Ce n’est pas un enfant, mais il dépend de vous et vous rend gaga. » (p. 17) Parce que d’enfant, justement, il n’en est pas question pour Solange. Entre être mère ou adopter un chien, la jeune femme a choisi, et elle a surtout choisi la famille qu’elle veut composer. La Québécoise est mariée et sa relation avec Anatole, plus âgé qu’elle, est une subtile composition de compromis et de renoncements que l’autrice étudie avec un regard parfois détaché, souvent inquiet, mais sans aucun doute tendre tout en restant très lucide. « Je suis une chienne. C’est pourquoi je revisiterai aussi ces occasions où je me suis domestiquée pour attirer le mâle. Cette éducation parallèle qu’on se forge toute seule avant d’en avoir honte et de mettre des années pour le dire. » (p. 19)
Je comprends l’adoration de Solange pour sa petite animale : je bêtifie de même devant Bowie, minuscule créature devenue majestueuse (Disons cela pour ne pas être vexante…) qui occupe mon cœur et mes inquiétudes en permanence. J’admire sa grâce, j’envie son indépendance et sa souplesse, je m’enchante de ses mimiques et de ses attitudes. Je la couvre de tendresse en mots et en gestes. « Anatole n’a jamais eu droit à tous les ‘mon amour’ que j’adresse sans compter à Truite. » (p. 77) Est-il anormal d’aimer une bête plus fort que certains représentants de mon espèce ? D’aucuns pensent que oui et se moquent de mon rapport exclusif et quasi obsessionnel avec Bowie. C’est que cette petite chatte fière et distante m’apporte plus que nombre de mes congénères. Pour autant, je ne suis pas une crazy-cat lady : j’ai des amis, je sais tenir une conversation et aller vers les inconnus. En cela, j’ai sans doute plus d’aptitudes sociales que Solange qui peine à dissimuler son mal-être en société. « Si je pouvais comme Truite susciter l’attendrissement, j’oserais davantage me frotter aux humains. » (p. 95)
Mais trêve de blabla égocentrique, revenons au texte ! Dans cette autobiographie, Solange choisit en mots précis l’intimité qu’elle nous montre. « Les gens m’inspirent des effusions plus que des rapports. » (p. 68) Elle aborde avec finesse, humour et dérision des sujets déjà évoqués dans ses vidéos YouTube. Ses réflexions sur la vie, la mort, l’amour, le couple ou encore l’avenir composent un panel d’angoisses et d’attentes qui déclinent le thème ancestral d’éros et thanatos (désir et mort pour les non-hellénistes). En parlant de son chien, la femme parle d’elle-même : l’animal se fait projection du soi, miroir déformant et alter ego. Connaissant la vidéaste au travers de son œuvre sur YouTube, je n’ai rien découvert de très nouveau dans ce texte, mais j’ai pris plaisir à passer un moment dans le quotidien canin de Solange. Parce que Truite est une petite créature que j’aime à voir passer dans les vidéos de l’artiste.
Si le travail de cette jeune femme (elle a un an de moins que moi, elle est donc très jeune !) vous attire, lisez ses deux précédents ouvrages, Solange te parle et Très intime, et n’hésitez pas à découvrir sa chaîne YouTube.