
Roman d’Ivan Repila.
« Je suis le type le plus féministe. Cela dit j’ai mes contradictions. » (p. 9) Ainsi commence le récit du narrateur : il veut être un allié, un soutien de la cause féministe, et pas uniquement pour séduire Najwa, militante convaincue qu’il assaille de questions pour progresser dans sa déconstruction. « Je suis énervé, je déteste me sentir déstabilisé ; je n’ai pas l’habitude. » (p. 9) Bousculé dans son confort quotidien d’homme blanc cis hétéro, le narrateur s’étonne cependant du relatif pacifisme des mouvements féministes. Persuadé que le changement ne peut advenir que dans la violence, il fonde l’État phallique, groupuscule ultra-machiste. Cet allié en est certain, ce n’est qu’en mettant les femmes suffisamment en colère qu’elles se décideront enfin à agir pour faire advenir une société égalitaire. Face aux exactions de l’État phallique, les femmes ne restent évidemment pas sans réagir… et l’escalade est inévitable !
Oui, les femmes ont besoin que les hommes soient des alliés, mais pas qu’ils prétendent faire mieux qu’elles dans la lutte pour leurs droits. « Un bon féministe n’a pas besoin de se dire féministe. » (p. 59) C’est ce que je craignais à la lecture de ce roman qui oscille entre dystopie et utopie. Ivan Repila a toutefois écrit un texte brillant aux allures de manifeste, entre pamphlet et essai. Oui, il y a encore beaucoup à déconstruire dans les mentalités, même chez les femmes, pour abattre l’ordre patriarcal et les réflexes de domination masculine. « Je sais que je suis le résultat d’une époque et de schémas qui délimitent et configurent mon désir. Je sais que je ne suis pas libre. » (p. 65) La nouvelle société que propose l’auteur m’a rappelé La république des femmes de Gioconda Belli et l’épilogue est aussi brillant que celui de La servante écarlate de Margaret Atwood. Il y a beaucoup à méditer dans ce roman et beaucoup à imaginer pour que la citation suivante ne soit plus tristement banale. « Les hommes [n’importe quel verbe conjugué à la troisième personne du pluriel] un tas de trucs. » (p. 11)