
Fin de la trilogie des Années glorieuses, après Le Grand monde et Le silence et la colère.
Roman de Pierre Lemaitre.
La famille Pelletier continue son chemin dans le 20e siècle. 1959, Colette a 10 ans et elle vit toujours avec ses grands-parents, Louis et Angèle, qui vieillissent tranquillement dans leur nouvelle maison du Plessis-sur-Marne. Avec ses abeilles et le chat Joseph, loin de sa mère, la vie pourrait être douce, mais tout bascule un terrible matin. « Elle sentait que sa colère était une lutte qui avait quelque chose à voir à la survie. » (p. 46) De leur côté, Jean et Geneviève n’en finissent pas de se haïr : le premier espère que son rapprochement des grands patrons français lui donnera enfin la légitimité après laquelle il court depuis qu’il a échoué à reprendre l’affaire familiale ; la seconde ne jure que par l’astrologie et s’ingénie à souhaiter le pire à son entourage. « Geneviève raffolait des difficultés des autres qui lui permettraient, en s’apitoyant, de passer pour une femme sensible et charitable. » (p. 11) Entre eux, outre Colette, il y a Philippe, garçon chéri de sa mère qui subit brutalement un revirement d’affection qui le laisse seul et sans repères, terrifié par la cruauté maternelle. « Tout ce qu’il y avait de bien, il fallait le faire en cachette de leur mère. » (p. 381) François et Nine, toujours aussi follement amoureux·ses l’un de l’autre, sont pris dans une inextricable affaire diplomatique entre Paris et Prague. « Le renseignement est une discipline basée sur la trahison. » (p. 79) Quant à Hélène, enceinte jusqu’aux yeux, elle est déterminée à donner à sa nouvelle émission radiophonique un succès retentissant.
J’ai suivi ce nouvel épisode avec gourmandise. Une fois encore, l’auteur m’a régalée avec ses protagonistes dignes de feuilletons du 19e siècle. « Ces personnages, balzaciens sans le savoir, avaient grâce à leur bêtise du génie pour les affaires d’argent. Et la chance qui soutient parfois la destinée des médiocres. » (p. 186) Pierre Lemaitre livre aussi des pages très noires et douloureuses : l’innocence souillée, l’approche de la mort, la torture qui attend l’espion, tout cela fait froid dans le dos, mais prouve que l’auteur maîtrise son récit, parvenant toujours à le garder sur les rails. L’épilogue semble clore les trajectoires des membres de la famille Pelletier, en laissant une petite porte ouverte. J’espère férocement que l’auteur l’enfoncera et continuera de nous raconter l’Histoire de France et du monde au travers des destins de ses personnages.