Une nuit, des hommes casqués l’ont arrachée à sa mère. Depuis, Lila K. n’a qu’une obsession, celle de la retrouver. Internée dans le Centre, « un monde insensé aux règles implacables » (p. 12), où les autorités font tout pour la reconditionner et la réadapter, Lila se débat pour ne pas oublier. Mais il est dangereux de se faire remarquer : les caméras sont partout et tout le monde est soumis aux contrôles en tout genre. « Tout ce que vous faites, vous le faites pour mon bien, même si j’ai parfois du mal à m’en apercevoir. » (p. 283) Heureusement, Lila K. a la chance de rencontrer M. Kauffmann, puis Fernand et M. Templeton. Le premier lui promet de l’aider à retrouver sa mère. Dès lors, Lila K. fait tout pour atteindre son but. Mais à mesure que ses recherches progressent, Lila K. découvre pourquoi elle a été séparée de sa mère. Dès lors, elle engage un travail de mémoire, mais aussi d’amour.
Dans cette dystopie très bien menée, une ville parfaite de verre et de béton s’oppose à la Zone, lieu de violence et d’insécurité. Sans que cela soit clairement explicite, il semble que la science ait fait des progrès spectaculaires : les animaux de compagnie sont génétiquement modifiés et l’on crée des chimères qui assument les tâches subalternes. Dans ce Paris des années 2090, de nombreuses sources de plaisir sont prohibées, comme l’alcool ou les cigarettes. Et surtout les livres papier. Au motif de leur potentiel allergène, ils ont été retirés du marché pour être numérisés. Sous cette forme, les textes subissent des coupes ou des réécritures et les grammabooks ne sont que des supports aléatoires. Le contrôle de l’information passe désormais par un autodafé numérique.
Le récit rétrospectif de Lila K. est un exutoire au traumatisme et à la haine. Il rappelle qu’il y a toujours des anticonformistes et des réfractaires, même dans les systèmes les plus encadrés. Quant au titre, il renvoie à la chanson que la mère de Lila K. chantait. Mais cette ballade pourrait aussi être une balade, même si la promenade dans les souvenirs et dans l’appareil administratif est plus horrifique que dépaysante. Ce roman dystopique est une belle réussite, même si un ou deux dialogues sonnent faux. Mais l’intrigue est remarquable et bouleversante. Voilà un très beau roman de science-fiction et un véritable hommage à l’amour filial.