Roman de Sylvie Germain.
Barbara, dite Liliane, dite Lili est une enfant sans mère. Celle-ci a disparu en mer après avoir disparu de la vie de sa fille. « Et si l’erreur, c’était elle, tout simplement ? Du seul fait d’être née, a-t-elle donc commis une faute, une gaffe ? Est-elle responsable de la fuite de sa mère ? » (p. 29) Cette absence douloureuse à plus d’un titre, Lili la porte en silence, désespérant que son père l’aime pour deux, qu’il l’aime plus fort et davantage que les enfants de sa seconde épouse. Mais Lili passe dans la vie sans émouvoir suffisamment les êtres pour qu’ils aient envie de la retenir. Opiniâtrement, elle est en quête de l’amour, quelle que soit sa forme et quel que soit son émetteur. « La liberté, comme l’amour a un coût, celui de l’intranquillité, ni l’un ni l’autre ne sont jamais acquis. » (p. 204) Sera-t-elle un jour heureuse, Lili ? Sera-t-elle un jour enfin sereine ?
Les chapitres sont très courts et ressemblent à des instantanés, des photos que l’on prend au bord du gouffre. Quant à l’oxymore qui compose le titre, il renvoie aux moments anodins qui marquent les enfants parce qu’ils sont des premières fois, des traumatismes, des découvertes ou des éblouissements. « Les petits riens ne sont jamais insignifiants, la beauté foisonne dans l’infime. » (p. 85) Et, quel que soit l’âge de celui qui les vit, ces instants-là sont uniques et ne reviennent jamais à l’identique, à l’instar des multiples morts qui jalonnent la vie de Lili. C’est toujours le même fait, la brusque et éternelle rupture du souffle vital, mais ce n’est jamais la même personne. Et, à y bien regarder, toute la vie de Lili semble composée d’instants qui précèdent la mort, ce qui les rend uniques et les figent à jamais comme la représentation de ce qui est avant la disparition. « Mais qu’il surgisse sans crier gare, ou qu’il s’en vienne à pas menus, tout deuil ouvre des failles qui n’en finissent pas de serpenter sous la peau, d’interrompre les pensées soudain saisies de bouffées d’idioties. » (p. 130) Enfin, les petites scènes capitales, ce sont surtout les morts, capitales s’entendant au sens de la peine dont on ne se relève jamais.
Petites scènes capitales m’a rappelé La chanson des mal-aimants, mais il y manque la pointe de magie qui m’enchante tellement dans les romans de Sylvie Germain. Ce roman reste un très beau texte qui vibre de la plume forte et poétique de l’auteure.