Roman de Clara Dupont-Monod. À paraître le 20 août.
Aliénor d’Aquitaine a treize ans quand elle épouse Louis VII, roi de France. Immédiatement, elle sait que cet homme ne lui convient pas. « Je connais deux moments où les rois sont ridicules. Lorsqu’ils sont en colère et lorsqu’on les épouse. Ils découvrent combien ils sont petits. » (p. 14) Arraché du séminaire où il se destinait à la prêtrise, Louis est un homme au caractère pacifique, plus amateur de prières et de paroles que d’actions. Au contraire, en Aliénor bouillonne le sang d’une lignée bagarreuse et puissante, toujours prompte à la fête, à l’amour ou à la bataille. Aliénor est une femme forte, bien trop puissante pour son époux qui, transi d’amour, tente de lui résister pour sauver son trône. « On ne peut pas tenir un royaume les yeux enfiévrés, le cœur ourlé d’amertume. » (p. 79) D’abord portée en triomphe par le peuple, Aliénor devient la cible des ragots et des accusations. Tout le monde sait qui porte la couronne au sein du couple royal, mais personne ne veut de cette femme qui a la prestance d’un roi. « La voilà, celle qui possède dix fois le royaume de France. Celle qui donne des ordres, chevauche comme un homme et ne craint pas le désir qu’elle suscite. Qui colore ses robes. N’attache pas ses cheveux. » (p. 59) Trop belle, trop vivante, trop présente, Aliénor dérange.
Le récit est porté par les voix croisées d’Aliénor et de Louis, chacun commentant les actions de l’autre. Ces deux paroles en regard ne se rencontrent jamais et c’est hélas ce qui précipite la perte de ce couple mal assorti : incapables de se comprendre, les époux royaux ne peuvent que s’éloigner l’un de l’autre, chacun étant attiré par des horizons différents. Clara Dupont-Monod invente les premières années d’Aliénor, personnage historique qui prête tant aux légendes et à l’imagination. Maîtresse femme jamais soumise à ses désirs, Aliénor fait rêver : à l’instar de Cléopâtre, elle est une reine qui n’a pas besoin de roi.
Après avoir savouré La passion selon Juette et La folie du roi Marc, j’ai retrouvé avec un plaisir immense la plume de Clara Dupont-Monod : cette auteure sait convoquer le Moyen Age et l’animer devant nos yeux. Ne craignant jamais de se frotter à la légende, ni de mettre en branle des sentiments puissants, elle signe un texte qui s’ajoute au fabuleux palimpseste qui entoure la belle et fière Aliénor.