« Je vous demandais si votre femme comprend bien les risques que vous courez en venant ici. » (p. 4) Ici, c’est l’hôtel Overlook dont le passé prestigieux cache bien des secrets sordides. « Tous les grands hôtels ont leurs scandales. […] De même qu’ils ont leur fantôme. » (p. 23) Jack Torrance y accepte un poste de gardien de septembre à mai, quand l’hôtel est fermé aux visiteurs. Il est chargé de l’entretien des lieux, mais surtout de la surveillance de l’antique chaudière dont il faut faire baisser la pression deux fois par jour. Jack espère que cette longue retraite loin du monde lui permettra d’achever l’écriture de sa pièce de théâtre et de sauver sa famille. Son épouse et son fils, Wendy et Danny, sont d’abord heureux de cette expérience, mais rapidement tout dégénère. La puissance maléfique qui hante l’hôtel en a après Danny, petit garçon qui possède le Don, et manipule Jack pour qu’il lui livre son petit garçon. Prisonnière de la neige et du sinistre dessein de l’hôtel, la famille Torrance s’enfonce dans un terrible hiver.
Les accès de violence de Jack, largement nourris par son alcoolisme, sont terrifiants, et ce d’autant plus que l’homme aime tendrement son épouse et son fils quand il est calme et sobre. Possédé par la puissance néfaste de l’Overlook, l’ancien professeur en mal d’écriture ne résiste pas longtemps à ses pulsions irrépressibles. « La chaudière avait un manomètre, vieux, craquelé et encrassé, mais qui fonctionnait quand même. Jack, lui, n’en avait pas. » (p. 170) L’irritation devient de l’agacement, puis de la colère et enfin de la rage. Jack pensait échapper à ses démons en travaillant à l’Overlook, mais il est submergé par d’autres bien plus puissants. Alors que résonne le fameux TROMAL (REDRUM en version originale), lancé par un jeune Danny terrifié par les forces qui s’emparent de son père et qui font éclater la cellule familiale, tout devient danger et menace : les arbustes de buis dans le parc, la salle de bain de la chambre 217, les archives de l’hôtel, etc.
J’ai lu ce roman pour la première fois quand j’avais 10 ou 12 ans, par une nuit d’orage, sous une tente, à côté d’un frangin sadique qui s’amusait à ajouter à ma terreur. À l’époque, j’avais juré que jamais au grand jamais je ne lirai des romans de Stephen King. Près de 20 ans plus tard, voilà que je relis ce roman qui n’a rien perdu de sa puissance horrifique. L’adaptation de Stanley Kubrick est évidemment culte et m’a causé quelques fuites urinaires, mais le texte de King n’avait pas besoin d’images pour être déjà un parfait moteur à cauchemars. J’ai lu Docteur Sleep, il y a quelque temps, qui suit Danny devenu adulte, aux prises avec l’alcoolisme comme son père. Cette suite est tout à fait réussie et je ne peux que vous la recommander.