Lady Susan

Roman épistolaire de Jane Austen.

Lady Susan Vernon est veuve depuis quelques mois. Elle n’était pas exactement ce que l’on peut appeler une épouse modèle. Aventurière et coquette, elle se joue des hommes et de leurs sentiments, et se plaît à laisser derrière elle des cœurs épris et des femmes humiliées. Sa réputation de femme frivole s’accompagne de celle de mauvaise mère. Après un séjour désastreux chez les Manwaring, elle trouve refuge chez son beau-frère, Charles Vernon. Au fait de sa conduite indigne, la famille la reçoit froidement. Prévenue contre elle, Réginald de Courcy, le frère de Madame Vernon, ne tarde pourtant pas à succomber à ses attraits et à ses manigances.

Ce qui est délicieux avec les romans épistolaires du XIX° siècle, c’est le ton mondain des lettres. De la fille à la mère, de l’amie à l’amie, de la maîtresse à l’amant, les missives ne se départissent jamais d’une grande élégance et d’une rouerie exemplaire. Chacun intrigue contre tout le monde à des fins plus ou moins avouables.

Ce qui est remarquable aussi dans les romans épistolaires, c’est la grande artificialité du récit qui gagne en cohérence ce qu’il perd en crédibilité. Comment expliquer que les lettres sont toutes réunies, par qui et pourquoi? Chaque lettre répond exactement à la précédente et lui fait parfaitement suite, même si les destinataires et émetteurs sont différents. Les rebondissements, impossibles à suivre en temps réel, sont pourtant livrés à chaud, le temps pour ces dames de reprendre leurs esprits et pour ces messieurs d’apaiser leur fureur. Les sentiments ne sont qu’exagération et éloquence. On écrit tout ce qu’on ressent, et la lettre devient brûlante, brûlot.

Ce court roman m’a rappelé l’œuvre magistrale de Choderlos de Laclos, ses superbes Liaisons dangereuses. Lady Susan a tout d’une marquise de Merteuil, rouée et libertine, à ceci près qu’elle connaît une fin moins tragique mais pas nécessairement plus heureuse, tandis que le jeune Réginald est un chevalier Danceny tout à fait benêt et manipulé, mais qui réussit mieux sa sortie.

Le texte se lit vite et avec plaisir. Les lettres sont courtes et donnent au récit un rythme palpitant. D’une missive à l’autre, tout change, les certitudes s’effondrent et les stratégies se retournent contre leur créateur. Bref, j’en redemande ! Et je le recommande !

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