Pierre et Jean

Roman de Guy de Maupassant.

Pierre et Jean Roland sont deux frères que tout oppose, le physique comme le caractère. Entre eux perdure un sentiment puissant d’amour et d’émulation. Jean, le doux, le calme, hérite un jour d’un mystérieux ami de la famille, Léon Maréchal, dont le décès bouleverse sa mère. Pierre, le violent, le jaloux, soupçonne alors un passé trouble dans lequel sa mère n’est pas aussi pure et intouchable qu’elle semble désormais l’être. Entre Pierre et Jean, le lien est rompu. Un climat de suspicion et de haine s’installe. Jean, tout à ses amours avec la belle Madame Rosemilly, ne mesure pas l’ampleur du gouffre qui le sépare de son aîné. Il faut que la vérité éclate, et quand elle est révélée, elle chasse ceux qui l’ont déterrée.

La figure du père est bien malmenée dans ce roman. M. Roland Père est un petit bourgeois aux vues médiocres et aux projets limités. Le père supposé de Jean est une figure d’absence et d’éloignement. Guy de Maupassant pensait que Gustave Flaubert était son père. Les soupçons de l’auteur quant à sa filiation prennent un visage violent et tourmenté. L’image de la mère, loin de celle de la femme vertueuse et respectueuse, se teinte de mystère et de soufre. Un peu Emma Bovary, Mme Roland a été une femme légère, étourdie par la prestance d’un homme dénué des tristes habitudes maritales.

L’omniprésence de la mer – le récit se déroule au Havre – est hypnotique. Que les flots soient à l’étale ou qu’ils se déchaînent, ils attirent les regards. Les grands moments dramatiques éclatent près de l’élément liquide. Et c’est la mer qui sépare, qui exclut Pierre du cercle familial. Le thème du secret de famille est finement traité par l’auteur. C’est en ouvrant les tiroirs, en fouillant la lingerie et en cherchant des lettres que la vérité apparaît au jour. Le lecteur participe presque physiquement à la quête de preuves. Parfaitement voyeur, il farfouille avec jubilation dans les petites affaires d’une famille apparemment sans histoire.

Ce roman très court, aux accents pleinement naturalistes, se lit avec délectation et férocité. Qu’il est bon de voir ce qui se cache derrière les rideaux des voisins !

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