Les portes

Roman de John Connolly. Lecture du manuscrit non corrigé.

Tout commence il y a 13,7 millions d’années. Le Big Bang crée l’univers dont l’expansion n’a toujours pas cessé. Au sein de ce maelstrom sidéral, le Mal Suprême attend son heure. Relégué en Enfer, il prépare son arrivée dans le monde humain, nourrissant des projets de destruction massive et d’asservissement éternel. Ce qui lui manque pour changer de dimension, c’est une porte. Et les humains honnis ont créé la plus parfaite d’entre elles: le Grand Collisionneur de Hadrons du CERN. Mais il lui faut encore un coup de pouce. Pendant ce temps, quelque part en Angleterre, le jeune Samuel Johnson prépare Halloween avec impatience. La fête délicieusement terrifiante a lieu dans quatre jours. Et c’est ce soir-là, le 28 octobre, que les Abernathy, les nouveaux voisins de Samuel, installés au 666 Crowley Avenue, décident de se livrer à un rituel d’incantation occulte. Et c’est un jour comme tant d’autres que le Mal Suprême lance son armée de démons préparer sa venue sur Terre. Ce qu’il n’a pas prévu, c’est que les humains sont prêts à se défendre.

Ce roman est foisonnant ! Il s’adresse aux jeunes lecteurs et aux lecteurs aguerris. La vulgarisation ludique et comique des grands problèmes de la physique quantique rend le texte très abordable pour des adolescents. Les monstres et les vilaines bestioles feront la joie des gamins qui aiment jouer à se faire peur. Mais l’humour et le ton général du texte font clairement de ce dernier un ouvrage à mettre entre des mains adultes! Les notes de bas de page qui n’ont de nom que la forme forment un métatexte qui soutient le récit principal, mais qui peut parfaitement se lire indépendamment. L’humour qui est à l’œuvre dans ces notes est grinçant, volontiers ironique, souvent amical. Ce sont des recommandations qui prennent des formes diverses: réflexions personnelles du narrateur, blagues, anecdotes, parfois prophéties farfelues.

Le pandémonium développé par l’auteur prête plus à rire qu’à frémir. Les clichés démoniaques sont au rendez-vous et bien soulignés. Ainsi on ne peut ignorer que les vilains puent l’œuf pourri et que certains laissent derrière eux des matières gluantes peu ragoutantes. Les démons sont affublés de noms qui, même s’ils désignent sans équivoque leur champ d’action, sont parfaitement ridicules. Nous croisons donc Töng, le Démon des Chaussures Inconfortables ou Figoluk, le Démon des Biscuits Rassis. Le démon Nouillh, qui devient l’ami de Samuel, est un être douillet et peureux. En arrivant sur Terre, une passion s’empare de lui, les voitures! Il conduit avec délectation une Porsche et une Aston Martin. La horde de vilaines créatures déversée par la bouche ouverte de l’Enfer ne pèse pas lourd devant les humains: à coup de poêle, de batte de baseball, d’insecticide ou de porte-manteaux, les humains se défendent plutôt bien. « Les puissances démoniaques paraissaient avoir du mal à s’imposer. Les humains répliquaient. » (p. 265) Le Mal Suprême est bien mal servi et représenté. Le risque avec les sous-fifres, c’est qu’ils sabotent le boulot et qu’ils réduisent à néant le plan mieux étudié.

La physique quantique est décidément prétexte à de nombreux récits ! C’est ainsi qu’on trouve dans le texte de John Connolly des trous de ver, des trous noirs, des anges qui dansent sur une tête d’épingle et le Mal Suprême qui reprogramme le Grand Collisionneur de Hadrons pour en faire son vaisseau personnel. Du farfelu et de la science qui ne se prend pas au sérieux, j’en redemande ! Ni science-fiction, ni fantasy, ce roman croise les genres et crée un univers tout à fait particulier où les démons côtoient des blouses blanches et des voitures de police.

Après Le livre des choses perdues, Grand prix littéraire du web en 2009, John Connolly propose une nouvelle histoire où le héros est un jeune garçon. Moins vulnérable que le précédent personnage, Samuel est un petit garçon très intelligent et tenace, un battant convaincu. Ses amis sont tout autant combattifs: son teckel Boswell n’est pas le dernier à mordre le postérieur des méchants, le grand Tom manie la batte comme personne et Maria concocte des aérosols monstricides très efficaces. Quand les enfants prennent les choses en main, tout semble plus efficace et direct, un peu comme Maman, j’ai raté l’avion ou Le club des cinq !

Les portes offre une très agréable lecture, fine et drôle, voire hilarante, où les questions philosophiques du Bien et du Mal sont résolues par un manichéisme simple et franc. Avec une fin qui annonce sans vraiment l’affirmer une suite, je ne peux que recommander ce roman et cet auteur !

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